État de guerre
Le 23 décembre 2015
Inspiré d’événements politiques réels, ce sommet du cinéma québécois a de troublantes résonances dans l’actualité. Une copie restaurée a été présentée à Cannes Classics 2015.
- Réalisateur : Michel Brault
- Acteurs : Hélène Loiselle, Jean Lapointe, Guy Provost, Claude Gauthier, Louise Forestier
- Genre : Politique
- Nationalité : Canadien
- Durée : 1h48mn
- Date de sortie : 14 mai 1975
- Festival : Festival de Cannes 2015, Festival de Cannes 1975
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– Festival de Cannes 1975 : Prix de la mise en scène
– Canadian Film Awards 1975 : Meilleur film
L’argument : En octobre 1970, suite aux revendications et actes terroristes du Front de libération du Québec (FLQ), le gouvernement canadien adopte la Loi des mesures de guerre pour rétablir la loi et l’ordre. Cette mesure mènera à l’arrestation arbitraire d’environ 500 personnes, contre lesquelles aucune accusation ne sera portée. Le film suit cinq personnages fictifs durant cet épisode de l’histoire québécoise.
Notre avis : Pilier de l’Office national du film du Canada, Michel Brault avait été le chef de file d’un cinéma direct et suscitait l’admiration de Jean Rouch, qui l’avait rencontré lors d’un séminaire Robert Flaherty aux États-Unis. À mi-chemin du documentaire et de la fiction, Les Ordres adopte délibérément la démarche d’un cinéma politique très en vogue dans les années 1970. Inspiré des témoignages de personnes arrêtées après les enlèvements d’un diplomate britannique et d’un ministre du gouvernement du Québec, le film est une vertigineuse réflexion sur la légitimité des emprisonnements dans les situations de ce genre. Il interpelle d’autant plus que les personnages privés de liberté sont des citoyens ordinaires (assistante sociale, médecin, père de famille au chômage...), guère plus dangereux que des militants associatifs pacifiques, et broyés dans une mécanique absurde. Car ces hommes et femmes ne sont l’objet d’aucune accusation, et à ce titre ils ne peuvent se défendre. Des humiliations quotidiennes aux intimidations, l’univers carcéral est dépeint avec froideur mais sans effets racoleurs.
Alternant noir et blanc et couleur pour surligner la frontière fragile entre le réel et le décalage artistique, jouant des mises en abyme, Michel Brault signe un manifeste humaniste, insistant sur le fait que les démocraties peuvent connaître des dérives au nom du respect de l’ordre, leur « violence légitime » trouvant des correspondances avec les atteintes au liberté des régimes d’un Pinochet ou des colonels grecs. Le film avait d’ailleurs partagé le Prix de la mise en scène du Festival de Cannes 1975 avec Section spéciale de Costa-Gavras, qui depuis Z voulait sensibiliser le public international aux abus de certains pouvoirs politiques. L’art de Michel Brault est plus expérimental, mais reste accessible à tous. En 1985, le film apparaissait dans le top 5 des films canadiens de tous les temps au Festival de Toronto. L’œuvre vient d’être restaurée à l’initiative de « Éléphant, mémoire du cinéma québécois ». La restauration a été dirigée par Marie-José Raymond et l’étalonnage assuré par Claude Fournier en collaboration avec Michel Brault, à Technicolor Montréal. Les Ordres trouve aujourd’hui en France de troublantes résonances, compte tenu des débats sur l’état d’urgence et les assignations à résidence.
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