Le 11 juin 2020
Ce drame policier est un modèle de suspense et l’un des meilleurs films d’Edmond T. Gréville, cinéaste français qui reste encore trop méconnu.
- Réalisateur : Edmond T. Gréville
- Acteurs : Francis Blanche, Claude Brasseur, Jean Servais, Roland Lesaffre, Dawn Addams
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films Fernand Rivers
- Durée : 1h30mn
- Box-office : 646 831 entrées (France) - 83 753 entrées (Paris-périphérie)
- Date de sortie : 25 octobre 1961
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Résumé : Norma, modeste actrice, et son ami Dominique, photographe paresseux, sont en quête d’une bonne fortune susceptible d’améliorer un ordinaire bien médiocre. La lecture de petites annonces matrimoniales leur apporte une solution inespérée. En effet, Paul Dutraz, colonial de retour d’Afrique, est décidé, fortune faite, à vivre aux côtés d’une compagne mûre, dont la sagesse et la sécurité compenseraient la jeunesse. Norma, grimée en dame ayant atteint la cinquantaine, pose une candidature bientôt acceptée.
Critique : À l’instar de Pierre Chenal, Edmond T. Gréville (1906-1966) reste un grand réalisateur méconnu du cinéma français, en dépit d’une tentative de réhabilitation par Claude Beylie ou Bertrand Tavernier, et d’une rétrospective organisée par la Cinémathèque française. Il faut dire que le cinéaste a erré entre les studios londoniens et parisiens sans s’intégrer dans ces deux pays, qu’il a abordé des sujets audacieux pour l’époque, comme l’impuissance masculine (Remous, 1934) ou la dictature espagnole (Le Diable souffle, 1947), qu’il a dû accepter des commandes alimentaires, et rencontra peu de succès critique et public en son temps, malgré le soutien d’André Bazin ou Cocteau. En outre, Gréville ne peut être rattaché à aucun courant, n’étant affilié ni à la « qualité française » (Autant-Lara, Decoin) ni au style des précurseurs de la Nouvelle Vague (Becker, Astruc). Adaptation d’un roman de Frédéric Dard (Cette mort dont tu parlais) par l’écrivain lui-même, Les Menteurs repose a priori sur un canevas policier convenu, décrivant la machination d’une actrice ratée et de son amant, un photographe minable, pour escroquer un retraité détenteur d’une appréciable fortune. La trame n’est guère éloignée des suspenses concoctés par Boileau et Narcejac, duo d’écrivains qui a inspiré Clouzot (Les Diaboliques) et Hitchcock (Vertigo). La dualité du personnage de Norma O’Brien, obligée de se vieillir pour séduire sa proie, fait en effet écho à Madeleine et Judy dans le film de Hitchcock. Mais si les amants diaboliques sont de redoutables menteurs, Frédéric Dard et Edmond T. Gréville ne se contentent pas d’exploiter un filon, encore que le bruit de pas nocturnes suscitant des frayeurs chez Norma rappelle étrangement les émotions de Véra Clouzot dans Les Diaboliques. Mais l’essentiel n’est pas là, d’autant plus qu’il n’y pas de résolution d’énigme policière, les enjeux étant très vite fixés. Et dès l’exposition (le suicide d’un personnage sur une scène de théâtre, suivi du salut des comédiens et des huées de la salle), les auteurs préfèrent explorer d’autres pistes, sondant les vilenies de l’âme humaine, et se focalisant sur les pièges de la passion. Par amour pour Dominique, Norma jouera le rôle le plus dangereux de sa carrière. Par amour pour Norma, Paul fermera les yeux sur le comportement étrange de sa nouvelle épouse et de son « fils », même s’il confiera ses doutes et son trouble à l’ami agent immobilier qui vient à sa rescousse. Influencé par l’expressionnisme, avec ses jeux d’ombres et de lumières (beau noir et blanc d’Armand Thirard), Les Menteurs est un drame romanesque et policier subtil dans son art de la mise en abyme, tout autant qu’une œuvre délicieusement oppressante, malgré l’humour des dialogues. L’interprétation est par ailleurs un régal. Le jeu de la ravissante Dawn Addams est certes limité, comme le fut celui d’autres pin-up de coproductions (Nadja Tiller, Nadia Gray). Mais cette faille se révèle en osmose avec son personnage. On appréciera par contre sans réserve l’élégance de Jean Servais, la gouaille de Claude Brasseur et Francis Blanche, et des seconds rôles inspirés, de Roland Lesaffre en fidèle homme à tout faire à… Claude Chabrol en réceptionniste décalé !
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