Le 15 décembre 2020
Le face-à-face troublant d’un jeune juif, qui se prend pour un Perse, et d’un capitaine nazi, qui se rêve de terminer sa vie en Iran. Malgré quelques excès de la mise en scène, le récit ne manque pas de force.
- Réalisateur : Vadim Perelman
- Acteurs : Lars Eidinger, Nahuel Pérez Biscayart, Jonas Nay, Leonie Benesch
- Genre : Film de guerre, Drame historique
- Nationalité : Allemand, Russe, Biélorusse
- Distributeur : KMBO
- Durée : 2h07mn
- Titre original : Persian Lessons
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 19 janvier 2022
- Festival : Festival de Berlin 2020
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Résumé : 1942, dans la France occupée, Gilles est arrêté pour être déporté dans un camp en Allemagne. Juste avant de se faire fusiller, il échappe à la mort en jurant aux soldats qu’il n’est pas juif mais persan. Ce mensonge le sauve momentanément puisque l’un des chefs du camp souhaite apprendre le farsi pour ses projets d’après-guerre. Au risque de se faire prendre, Gilles invente une langue chaque nuit, pour l’enseigner au capitaine SS le lendemain. La relation particulière qui se crée entre les deux hommes ne tarde pas à éveiller la jalousie et les soupçons des autres...
Critique : Terribles hasards du destin : un homme juif, conduit parmi d’autres dans un véhicule qui les amène vers la mort, échappe à une fusillade sauvage en offrant un bout de pain contre un livre écrit en langue farsi. Ce hasard de l’histoire est d’autant plus terrible que l’Iran aujourd’hui est désignée comme un pays qui exerce l’une des pires dictatures au monde. Le nouveau film de Vadim Perelman raconte, derrière la barbarie allemande à l’encontre du peuple juif, la continuation d’une vie sentimentale et sexuelle pour les mêmes bourreaux. Il narre aussi les efforts incroyables que ces vies miraculées ont déployés pour sauver leur peau, comme ici, ce jeune homme, Gilles. Ce dernier s’invente une langue perse auprès d’un capitaine qui voudrait lui-même réinventer sa vie après la guerre, en ouvrant un restaurant à Téhéran. Non, "Onordane" ne signifie pas restaurant ou رستوران. Gilles fabrique un langage comme une rhétorique de la salvation, un combat pour échapper à la mort injuste de millions de juifs. Il doit entretenir dans le silence des baraquements ces vocables imaginaires, qui ressemblent certes à une langue, mais surtout à un savant exercice de séduction d’un capitaine allemand, harceleur et arbitraire. On voit avec effroi combien la cruauté qu’il impose à ses propres sbires se répercute par ces derniers auprès des prisonniers juifs, condamnés à disparaître.
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Plus qu’un témoignage historique, Les leçons persanes décrit le jeu de dupes qui s’établit entre ce capitaine Koch et ce jeune déporté. Un duo allemand de soldats, subissant les décisions autoritaires de leur gradé, s’immisce dans cette relation pour mener son désir de vengeance. Vadim Perelman écrit donc un film psychologique qui, derrière le réalisme historique, détricote la mécanique de la perversion. Le spectateur est tout entier saisi par ce récit, dont on pressent en permanence le risque et la tension qui pèsent sur les personnages. Le film est plus complexe que le simple - si l’on peut dire cela - rappel de la barbarie nazie dans les camps de concentration. Le long métrage dit aussi comment on peut, par le mystère de la vie et des relations humaines, échapper à son destin.
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Le premier film de Vadim Perelman La maison des sables et des brumes parlait déjà de la mécanique du mensonge comme moteur de destinée à travers deux personnages dont un colonel iranien. La duperie qui s’installe entre ce capitaine Koch et ce jeune Gilles démontre les tourments de la manipulation dans laquelle les deux protagonistes s’installent, outre que le militaire allemand, in fine, a le pouvoir de décider de la vie et de la mort de ses déportés. Il y a pourtant quelque chose d’excessif ou de trop romantique dans la mise en scène, qui brouille les pistes du récit. Les scènes se succèdent parfois avec des opportunités narratives, qui ont tendance à faire sombrer le film dans une facilité assez déconcertante. Si la relation entre les deux personnages principaux évolue vers une forme d’amitié troublante, on a du mal à croire qu’un nazi, attaché à un camp, qui assassine sans émoi des milliers de femmes et d’hommes, se laisse aller à une tendresse non dissimulée pour un jeune homme dont il sait au fond de lui qu’il ne cesse de mentir. Le travail sur les lumières, la couleur souvent sombre de l’image, le dépouillement des décors et même les costumes renforcent le caractère romanesque du film, là où un tel sujet aurait dû demeurer distant et objectif.
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Il est difficile de terminer ce propos sans saluer l’interprétation impressionnante du comédien qu’on avait tant admiré dans 120 battements de cœur, Nahuel Pérez Biscayart, et son acolyte, le non moindre magnifique Lars Eidinger. Les deux acteurs densifient le récit avec une grande force et parviennent, malgré les défauts évidents de la mise en scène, à tenir en haleine le spectateur d’un bout à l’autre de la narration.
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