Les Harkis - Philippe Faucon - critique

Critique : À l’heure où l’on célèbre les soixante ans de l’indépendance de l’Algérie, et quinze ans après La trahison, qui évoquait déjà la vie de soldats sur cette partie du Maghreb, Philippe Faucon, fils de colons, né sur ce territoire d’Afrique du Nord, se devait de rendre hommage à ces combattants d’origine algérienne incorporés dans l’armée française. Considérés comme traîtres par l’Algérie et abandonnés par la France à la fin du conflit, beaucoup furent massacrés. Un retour sans concession sur une page peu glorieuse de notre Histoire.

Copyright Pyramide Films

Structuré autour de la vie de personnages emblématiques, le récit se déroule sur trois périodes. Septembre 1959, les supplétifs algériens rejoignent une harka (troupe de nomades maghrébins en opposition à une troupe métropolitaine). Après une formation sommaire, ils sont envoyés au front, tandis que le 16 septembre le général de Gaulle, alors président de la République, poussé par une opinion publique qui réclame la paix en Algérie, proclame le principe du droit des Algériens à disposer d’eux-mêmes. En juin 1960, démarrent les pourparlers entre la France et les représentants du FLN, amorçant la fin de l’Algérie française. La situation des Harkis devient périlleuse, d’autant que l’État français ne prévoit aucune structure pour les protéger. 1962, le cessez-le-feu est signé. Les Harkis sont désarmés. Le choix fait trois ans auparavant (contraint, pour certains) se transforme en un piège.

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Derrière ces événements historiques, le sort d’hommes pris dans l’engrenage d’affrontements qui les dépasse, d’un côté comme de l’autre. Krimou, ancien fellagha ayant trahi son camp, n’a d’autre choix que de rejoindre les troupes françaises qui lui assurent une protection aussi temporaire qu’illusoire. Salah et Kaddour, paysans algériens, dont l’activité est perturbée par les combats qui se déroulent sur leurs terres, se rallient eux aussi aux Français, plus par une raison économique que par réelle conviction idéologique. D’autres, révoltés par la violence déployée par le FLN à l’égard de leur proches, n’hésitent pas à faire le même choix. Pascal, jeune lieutenant français, idéaliste et humain, découvre peu à peu le cynisme de cette armée qu’il sert avec dévouement. Il a toujours eu pour objectif de protéger ses hommes. Si les soldats français sont immédiatement rapatriés, il doit se battre pour préserver le sort des supplétifs algériens que sa hiérarchie militaire juge trop nombreux ou trop inaptes pour être pris en charge. Néanmoins, le sol français offrira à quelques-uns d’entre eux « le privilège » d’être parqués dans des camps de misère durant de longues années.

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À mi-chemin entre fiction et documentaire, au cœur de paysages arides, Philippe Faucon privilégie une mise en scène rêche (plans fixes, alternance de plans larges et de gros plans), balayant toute idée de romanesque pour mieux laisser croître une tension propre à tenir le spectateur en haleine. Loin de tout manichéisme, il s’attache à montrer avec rigueur et objectivité les exactions commises par les deux camps, apportant un éclairage utile sur une blessure dont la cicatrice, soixante plus tard, n’est pas encore totalement refermée.