Le 27 mars 2017


- Scénariste : Jean-Michel Dupont>
- Dessinateur : Eddy Vaccaro
- Collection : 1000 Feuilles
- Editeur : Glénat
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 8 mars 2017
Un récit poignant qui mêle western et pays noir par Dupont et Vaccaro !
Entre western et pays noir, Les Gueules rouges propose un scénario original ponctué par des dessins à l’aquarelle particulièrement réussis.
Nous sommes à l’été 1905, à Valenciennes, en plein pays noir. Le quotidien est chamboulé par l’arrivée du cirque de Buffalo Bill, alors en tournée dans toute l’Europe. L’événement est considérable pour la population locale et pour Gervais, élève appliqué et jeune mineur de fond. La découverte de ce cirque agit pour le jeune héros de cette histoire comme un révélateur particulièrement puissant, tant les costumes, les chevaux, les langues indiennes suscitent un imaginaire qui tranche avec le quotidien morne et renfermé de la mine. C’est le début d’une aventure humaine pour Gervais, qui va marquer son passage à l’âge adulte.
Avec Les Gueules rouges, J-M Dupont (scénario) et Eddy Vaccaro (dessins) naviguent avec bonheur entre histoire sociale et récit d’aventures. La plongée dans les corons, puis dans la mine avec Gervais sont riches en émotions pour le lecteur, qui (re)découvre un monde, celui des mineurs, qui a aujourd’hui complètement disparu, ne laissant pour tout témoignage que quelques terrils et des cités ouvrières. Ce n’est pas la moindre qualité de cet album que de nous offrir un portrait vivant de cette société minière - jusque dans le langage, très immersif -, entre vie collective, revendications syndicale et attachement à l’Église. Les grands combats de l’époque (séparation de l’Église et de l’État, travail des enfants, revendications ouvrières) sont mentionnés avec justesse.
L’arrivée du cirque de Buffalo Bill à Valenciennes - ©Glénat
La confrontation avec les Indiens est l’occasion pour J-M Dupont de faire d’heureux parallèles sur l’étranger, qui n’est pas toujours celui que l’on croit. Le récit tranche par son humanisme, mais aussi par son engagement. L’album souligne l’étroitesse de vue de la bourgeoisie valenciennoise, incapable de voir les Indiens autrement que comme des barbares, alors que le parallèle entre ouvriers et indiens constitue le fil rouge du récit. La référence à Élisée Reclus par l’anarchiste René, n’a rien d’anodin ici.
Le dernier atout de cet album vient du dessin, avec l’utilisation de l’aquarelle par Eddy Vaccaro, qui donnent une ambiance particulière au récit. Les couleurs changent avec le décor, et le noir de la mine est saisissant pour le lecteur. La scène d’introduction, qui voit la vengeance de Buffalo Bill contre Yellow Hand à travers les yeux de Gervais, est particulièrement réussie. Le choix d’un papier suffisamment épais par Glénat est également bienvenu.
Les Gueules rouges est un récit touchant, qui mêle avec brio deux genres a priori très différents, la chronique sociale et le western . On plonge avec bonheur dans l’univers rude de la mine, pour en ressortir avec la sensation d’avoir vécu une belle aventure humaine.
120 pages - 20,5 €