Le 13 juin 2024
Fille de son père, Ishana Shyamalan signe une série B d’épouvante honorable et efficace, bien que cochant un peu trop les cases du film référentiel.


- Réalisateur : Ishana Shyamalan
- Acteurs : Dakota Fanning, John Lynch, Siobhan Hewlett, Olwen Fouéré, Georgina Campbell, Oliver Finnegan
- Genre : Fantastique, Thriller, Épouvante-horreur, Survival
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h42mn
- Titre original : The Watchers
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 12 juin 2024

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Résumé : Perdue dans une forêt, Mina trouve refuge dans une maison déjà occupée par trois personnes. Elle va alors découvrir les règles de ce lieu très secret : chaque nuit, les habitants doivent se laisser observer par les mystérieux occupants de cette forêt. Ils ne peuvent pas les voir, mais eux regardent tout.
Critique : Produit par M. Night Shyamalan, Les guetteurs marque les débuts à la réalisation de sa fille, Ishana Shyamalan. Nous ne faisons pas partie de ceux qui fustigent les « fils (ou filles) de » dans le milieu du cinéma, tant cette posture nous semble être absurde. Les métiers du spectacle, comme tant d’autres, ont été souvent l’objet d’une reproduction sociale, et les enfants de la balle ont été légion, n’ayant pas empêché l’émergence de talents singuliers. Pour ce qui est des cinéastes, la réputation de Jacques Tourneur, maître de la série B fantastique (La Féline) a même dépassé celle de son paternel, Maurice Tourneur, réalisateur classique qui s’est œuvré lui-même une fois, avec brio, dans le fantastique (La main du diable). Ishana Shyamalan ose suivre la voie du genre horrifique et fantastique de son père… Et alors ? Brandon Cronenberg avait bien suivi celle, similaire, du sien avec un Antiviral qui certes n’était pas au niveau de Dead Ringers mais était loin de démériter. Évaluons donc Les guetteurs pour ce qu’il est. Adapté d’un roman de The Watchers de l’écrivain irlandais A.M. Shine, lui-même influencé par Edgar Allan Poe, le scénario a été entièrement écrit par Ishana Shyamalan. La narration est fluide et efficace, et le spectateur s’identifie aisément à cette jeune femme victime d’un traumatisme d’enfance (Dakota Fanning) et qui au cours d’une escapade se retrouve prisonnière d’une forêt. Hébergée par trois personnages égarés avant elle, Mina doit réaliser l’évidence : ses compagnons et elles doivent satisfaire la volonté de guetteurs, créatures fantomatiques les observant à travers un miroir dès que la nuit tombe.
- Dakota Fanning
- © 2024 Warner Bros. Tous droits réservés.
La première partie est subtile, qui reprend les codes du survival, en les adaptant certes à un néo-féminisme dans l’air du temps, puisque deux des autres résistants sont des femmes. Le leader de cette micro-communauté est une septuagénaire autoritaire et protectrice, à la chevelure identique à celle du druide Panoramix, et interprétée avec conviction par l’actrice irlandaise Olwen Fouéré. Étaient déjà sous sa coupe Ciara (Georgina Campbell), dont le mari a dû s’absenter ; et Daniel (Oliver Finnegan), un jeune homme aussi sympathique que torturé. Ces passages de The Watchers, axés sur la fusion entre ces quatre-là, dégagent un réel charme, avec plusieurs séquences qui font littéralement peur, à l’instar de celle où Mina ose s’aventurer dans un souterrain interdit. Mais si Ishana Shyamalan fait preuve d’un savoir-faire certain, les références qu’elle surligne sont à la fois un atout et une limite.
- Georgina Campbell, Dakota Fanning
- © 2024 Warner Bros. Tous droits réservés.
Il est permis en effet d’estimer que la réalisatrice a été marquée (ce qui l’honore certes) par le cinéma de Hitchcock : un faux premier rôle est éliminé au bout de quelques minutes, dépassant aisément le record de Janet Leigh dans Psychose ; de même le perroquet en cage dont s’entiche l’héroïne, alors que volent des bestioles inquiétantes, fait écho aux inséparables possédés par Tippi Hedren dans Les oiseaux. En même temps, la comparaison écrase quelque peu Ishana Shyamalan, qui s’est en outre un peu trop inspirée d’autres modèles, de La maison du diable de Robert Wise à Old, pourtant pas le meilleur film de son père, en passant par Le projet Blair Witch. Bref, Les guetteurs coche un peu trop les cases du film référentiel, ce qui n’empêche pas Ishana Shyamalan de révéler d’indéniables qualités dans le sens de l’atmosphère. En outre, on peut être agacé par cette volonté des nouveaux scénaristes de trouver à tout prix une explication rationnelle (ici les travaux d’un historien sur la mythologie) à des phénomènes irréalistes, occultant la part de magie et de merveilleux que doit également convoquer le septième art. On est donc partagé face à ce premier long métrage mais on peut espérer que la réalisatrice pourra davantage s’affirmer avec son second film.