Le 18 septembre 2019
- Réalisateur : Olivier Meys
- Acteurs : Xi Wang, Meihuizi Zeng, Le Geng, Gaowei Qu, Lizhe Fan, Xi Qi
- Titre original : Bitter Flowers (Titre international)
- Distributeur : Urban Distribution
- Date de sortie : 18 septembre 2019
- Durée : 96 min.
- Titre original : Bitter Flowers (Titre international)
Chronique sociale d’une émouvante justesse, Les fleurs amères marche sur le fil entre le documentaire et la fiction, pour montrer un aspect sciemment ignoré de l’immigration chinoise.
Résumé : Lina, une jeune femme ambitieuse, laisse son mari et son fils en Chine pour partir à Paris afin de leur assurer un avenir meilleur. Mais une fois en Europe rien ne se passe comme prévu et elle s’enferme dans un monde de mensonges pour ne pas abandonner son rêve.
Notre avis : Premier long-métrage de fiction d’Olivier Meys, Les fleurs amères a, sur le papier, tout pour dissuader le spectateur. De même, en effet, qu’il est plus sage d’éviter les contrefaçons fabriquées en Chine, mieux vaut la plupart du temps faire l’impasse sur les films chinois réalisés par des Occidentaux : les uns comme les autres ont ce goût d’alcool frelaté qui laisse présager un retour difficile au réel sans offrir de véritable moment d’ivresse.
- Copyright : Mille et Une Production / Tarantula Belgique
Et pourtant, fort de l’aide de Benoît Dervaux, le cadreur des frères Dardenne, Olivier Meys a réussi à mettre à profit son expérience de documentariste pour filmer ses acteurs, souvent amateurs, avec une grande justesse : qu’il les suive dans les rues de Paris, sans autorisation et caméra à l’épaule, ou qu’il les réunisse dans des scènes de groupe, toutes ses séquences sonnent juste. Mais c’est aussi et surtout grâce à l’interprétation tout en retenue et en dignité de Xi Qi (précédemment apparue dans Mystery de Lou Ye), qu’il a réussi à garder la juste distance, grâce à laquelle il peut capter l’émotion qui affleure sans verser dans le pathos, donner à voir la pauvreté avec réalisme sans sombrer dans le misérabilisme, donner à penser à son spectateur sans tomber dans le didactisme ou le moralisme.
- Copyright : Mille et Une Production / Tarantula Belgique
Le long-métrage révèle pourtant, en racontant le difficile quotidien d’un groupe de clandestines, la face sombre de l’immigration chinoise : afin de brosser le portrait intime de ces "marcheuses" que tous font semblant de ne pas voir, il s’intéresse à des ressortissantes du Dongbei, une province du nord-est de la Chine qui fut longtemps prospère, mais qu’a appauvrie la désindustrialisation des années 90. Des femmes qui, bien qu’elles n’aient pas plongé dans la misère, ne se sont vu offrir comme autre possibilité d’ascension sociale que de devenir nourrices dans des familles chinoises installées à Paris : avantagées par le fait de parler un mandarin plus pur qu’ailleurs, dans lequel les mères souhaitaient que leurs enfants baignent dès le berceau, il leur fallait juste se décider, comme l’indique le titre chinois du film, à « se jeter à l’eau ».
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Mais les martyres du volontarisme que décrit le film, surendettées, et partant, dans l’incapacité de retourner en Chine, ont été jetées par la crise et la réduction de leurs salaires dans la prostitution, tant et si bien qu’il ne leur reste plus, pour sauver la face, que la solidarité. De déconvenues en désillusions, l’héroïne du film se retrouve ainsi, contrainte, certes comme beaucoup de femmes chinoises mais à un prix bien plus élevé, de sacrifier son présent afin d’assurer l’avenir de sa famille, un engrenage d’autant plus cruel que son abnégation, loin de lui assurer le confort auquel elle aspire, la confrontera, une fois de retour au pays, à la nécessité d’une rédemption.
- Copyright : Mille et Une Production / Tarantula Belgique
De fait, Olivier Meys connaît bien la Chine, où il est parti travailler dès les années 2000. Témoin des mutations qui ont accompagné la modernisation du pays, il a réalisé de nombreux documentaires radiophoniques et cinématographiques, dont Vies nouvelles (2004) et Dans les décombres (2008), tous deux primés dans des festivals. C’est ce rapport à la fois intime et distancié à la culture chinoise qui lui a permis d’oser montrer ce qu’un réalisateur local aurait sans doute préféré garder cacher mais aussi de conserver, tout en filmant ses personnages avec empathie, cette pudeur propre à l’Extrême-Orient. Et c’est sans doute la raison pour laquelle il peut être considéré comme le plus chinois des réalisateurs belges.
Les Fleurs amères a remporté, en février 2019, le Magritte, c’est-à-dire l’équivalent belge du César, du meilleur premier film.
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