Les filles du Kurdistan – Mylène Sauloy, Clément Baloup – la chronique BD

De la Tchétchénie à l’Irak en passant par la Colombie, la documentariste Mylène Sauloy a couvert de nombreux terrains de conflits. Son travail l’a conduit à la rencontre en 2003 de ces femmes kurdes en armes dans les montagnes du Qandil, au nord de l’Irak. Elle est par la suite régulièrement retournée voir ces « Amazones », comme l’autrice les appelle. De ces rencontre est tiré La guerre des filles, un documentaire réalisé pour Arte qui a reçu plusieurs prix. Les filles du Kurdistan se situe dans la continuité de ce film documentaire. Elle retrace son périple pour se rendre au Kurdistan irakien et syrien et son combat pour attirer l’attention des médias occidentaux sur ces femmes si éloignées des clichés européens sur le Proche et le Moyen-Orient. Mais loin de se mettre en scène de façon narcissique, elle donne la parole à ces femmes dont elle admire et partage le combat. La bande dessinée s’attarde sur les convictions idéologiques de ces combattantes et leur rôle dans le combat indépendantiste kurde, alors que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est classé parmi les organisations terroristes par la plupart des chancelleries occidentales en raison de la lutte que mène cette organisation contre la Turquie, membre de l’OTAN.

Clément Baloup et Mylène Sauloy – Steinkis / Les Escales

Les filles du Kurdistan s’arrête dans sa deuxième partie sur la lutte armée des combattantes kurdes contre Daesh au moment de la guerre civile syrienne, en particulier lors de la bataille de Kobané. Mylène Sauloy pointe du doigt l’hypocrisie des gouvernements occidentaux qui apportent un soutien aux Kurdes face aux terroristes, mais les abandonnent à leur sort une fois la menace éloignée. La narratrice retranscrit le ressentiment des combattantes, déçues que leur lutte féministe ne soit relayée en Europe que sous un angle « glamour » dans la presse féminine.

Si le sujet porté par Mylène Sauloy est extrêmement intéressant, le passage du documentaire filmé à la bande dessinée s’accompagne de quelques difficultés. Le récit possède en effet quelques lourdeurs en raison de la multiplicité des noms d’organisations, de personnages, de toponymes, d’acronymes. Il aurait sans doute été possible d’utiliser davantage les possibilités offertes par le dessin pour enrichir la bande dessinée de cartes, de schémas simples afin d’éclairer le lecteur néophyte. Sur un même sujet, Kobane calling de Zerocalcare parvient à expliquer la géopolitique locale avec davantage de pédagogie. Par ailleurs, le découpage de l’ouvrage prévoit peu de respiration pour le lecteur, et le récit s’enchaîne à un rythme effréné. En dépit de ces défauts, Les filles du Kurdistan demeure une lecture enrichissante sur un sujet fondamental.

Clément Baloup et Mylène Sauloy – Steinkis / Les Escales