Mal de mère
Le 12 avril 2023
Rebecca Zlotowski se réapproprie avec une certaine maestria la figure ô combien cinématographique de la belle-mère en l’élevant en véritable héroïne contemporaine. Au-delà du mélodrame, Les Enfants des autres demeure une sublime évocation du spectre de la maternité, quelle que soit sa forme.
- Réalisateur : Rebecca Zlotowski
- Acteurs : Chiara Mastroianni, Roschdy Zem, Mireille Perrier, Virginie Efira, Sébastien Pouderoux, Henri-Noël Tabary, Victor Lefebvre
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h40mn
- Date télé : 14 septembre 2023 22:36
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 21 septembre 2022
- Festival : Festival de Venise 2022
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Résumé : Rachel quarante ans, n’a pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de quatre ans. Elle la borde, la soigne, et l’aime comme la sienne. Mais aimer les enfants des autres, c’est un risque à prendre...
Critique : Après des long-métrages à l’aura encore confidentielle, il semble qu’avec Les Enfants des autres, l’œuvre de Rebecca Zlotowski prenne une nouvelle trajectoire, tant le geste s’avère aussi pure que fluide, dépourvu de toutes fioritures et visant l’essentiel, en mettant du côté cette dimension cérébrale qui caractérisait quelque peu la filmographie de la cinéaste. Ici, Zlotowski semble parler d’elle-même et ses fantômes au travers du personnage de Rachel, incarné par Virginie Efira, encore une fois stratosphérique. La cinéaste moule son héroïne dans la sempiternelle figure de la « belle-mère », cette figure sans cesse écorchée par le regard masculin qui n’a de cesse de la diaboliser et la représenter comme une représentation du Mal absolu, cloîtrée au rôle de la "mauvaise mère", celle dont on ne doit pas prononcer le nom, la querelleuse qui a brisé le cercle familial. Dans Les enfants des autres, la belle-mère est réhabilitée par le prisme du regard tout en délicatesse de Rebecca Zlotowski, qui en profite pour se réapproprier complètement le mythe de la marâtre et sa cascade de clichés pour la métamorphoser en héroïne des temps modernes, une otage consentie de la frustration de ne pas devenir mère, quand l’horloge biologique sonne pour elle comme un compte à rebours vers l’abîme, celui où se mêlent les silhouettes abstraites d’une vie de regrets, reléguées dans le fond du décor.
- Copyright Les films Velvet - George Lechaptois
Ainsi, Zlotowski altère le genre du mélodrame classique et classieux en usant d’une écriture aussi réaliste que bouleversante, arrivant à rendre la verve littéraire de ses personnages quasiment invisible aux yeux des spectateurs. Sa mise en scène, pourvue d’un découpage laissant transparaître par la seule force du placement des comédiens les tourments qui les enferme, demeure d’une maîtrise et d’une sobriété à fleur de peau. L’usage de l’iris qui ouvre et ferme les séquences du film, comme pour signifier différents chapitres de la vie de Rachel, cristallise l’ambition de la cinéaste. Motif courant dans le cinéma muet, la fermeture à l’iris permet en effet de mettre l’accent sur un fragment de l’image, ici le visage solaire de Virginia Efira, mère de tous les instants, même quand sa belle-fille Leila est absente du cadre. Au travers d’une galerie de personnages savamment disposés ici et là, allant de la sœur du personnage au ventre arrondi à l’ex-femme de son compagnon Ali, incarnée par la lumineuse Chiara Mastroianni, en passant par cet élève de lycée avec qui elle se lie d’amitié et qu’elle tente de réorienter sur le droit chemin telle une mère à son enfant, Rachel est confrontée inconsciemment à son désir de maternité, matin, midi et soir, sans interruption, dans un monde sans cesse bercé par la question de la parentalité.
- Copyright Les films Velvet - George Lechaptois
Passé l’intimité que Rachel développera au fur et à mesure avec la petite Leila par le biais de subtils échanges de regards et d’embrassades complices, c’est avec son monde, au-delà de celui d’Ali, que Rachel pourra entrouvrir différentes formes de maternité, le terreau de son épanouissement, à travers la naissance de son neveu de deux ans ou la réussite professionnelle d’un ancien lycéen dans la restauration. En soit Les Enfants des autres est davantage le récit de la sublimation d’une Femme qu’un mélodrame que l’on aurait cru sirupeux voire didactique par sa prémisse. Une réussite.
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