Le 4 août 2024
Ce classique du cinéma d’une réalisatrice controversée reste le documentaire de référence sur les Jeux olympiques d’été de 1936.
- Réalisateur : Leni Riefenstahl
- Genre : Documentaire, Noir et blanc, Film de sport
- Nationalité : Allemand
- Durée : 2h01mn
- Titre original : Olympia 1. Teil - Fest der Völke
- Date de sortie : 7 janvier 1938
- Festival : Festival de Venise 1938
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Résumé : Première partie du documentaire « Olympia » sur les Jeux olympiques d’été de Berlin, en 1936.
Critique : Les Dieux du stade, également connu sous le titre Olympia, première partie : La fête des peuples, est le premier volet (et le plus célèbre) d’un long documentaire consacré aux Jeux olympiques d’été de 1936. Après Le triomphe de la volonté (1934), sur le Parti national-socialiste à Nuremberg, Leni Riefenstahl, cinéaste officielle du IIIe Reich, s’était vu confier par Hitler le soin de réaliser ce nouveau projet. Le premier quart d’heure, aussi prodigieux que l’ouverture de Citizen Kane, traduit les points forts mais aussi l’extrême ambiguïté de l’esthétique Riefenstahl. C’est d’abord la caméra qui s’invite dans l’Acropole d’Athènes et le Parthénon, suggérant une ambiance quasi onirique. Puis apparaissent des plans de statues de dieux et personnages antiques, qui laissent la place à un athlète « vivant » et en action, dont le corps musclé et parfait est mis en avant.
S’ensuit le relais de la flamme olympique, de la Grèce jusqu’au stade de Berlin, avec une prédilection pour des sportifs filmés en contre-plongée. Si le travail photographique et le montage sont splendides, et célèbrent en apparence les simples valeurs de jeunesse et performance, le message subliminal est clair : les Allemands sont les héritiers des Grecs aryens, et ce culte du corps et de la beauté est au cœur d’une vision raciale et eugéniste. Même si Leni Riefenstahl a répété pendant des décennies qu’elle n’a jamais adhéré aux idées nazies, ayant seulement souhaité effectuer un travail d’artiste en expérimentant diverses techniques (cf le documentaire Leni Riefenstahl, le pouvoir des images de Ray Müller, 1993), Les Dieux du stade est bien une œuvre qui s’inscrit dans le système de propagande d’un régime dictatorial à l’origine des horreurs de la Seconde guerre mondiale et du plus grand crime contre l’Humanité.
Cette précision étant rappelée, le reste du film (la cérémonie d’ouverture, puis diverses épreuves) frappe également par ses qualités cinématographiques, malgré un caractère un brin répétitif qui pourra lasser. Fascinée par les corps en mouvement (du lancer de javelot au saut en hauteur), Riefenstahl a été révolutionnaire dans l’usage des optiques spéciales, du téléobjectif, des ralentis ou des travellings, ayant mobilisé des dizaines d’opérateurs, avec un brio qui culmine dans la séquence finale du marathon. Le métrage peut à ce titre être considéré comme l’ancêtre des retransmissions télévisées sportives qui ont repris nombre de ces procédés. Et il peut être curieux que Les Dieux du Stade ne véhicule pas de discours nationaliste explicite. Les victoires de l’athlète afro-américain Jesse Owens et d’autres sportifs internationaux sont loin d’être occultées dans un documentaire qui montre à plusieurs reprises le drapeau allemand surpassé par des étendards britanniques, japonais ou autres. En même temps, des plans de coupe complaisants sur le Führer ébranlent l’objectivité supposée d’une réalisatrice qui a exécuté la commande d’un documentaire supposé faire croire à une Allemagne accueillante et tolérante…
Récompensé au Festival de Venise 1938, Olympia (qui comprend aussi la seconde partie intitulée Jeunesse olympique ou Olympia : La fête de la beauté) fut longtemps considéré comme l’archétype d’un cinéma de propagande à honnir, même si des historiens du cinéma comme Sadoul reconnaissaient le talent de la cinéaste, blacklistée par la profession pendant des décennies. Leni Riefenstahl se reconvertit dans la photo avec un travail sur les Nubas du Soudan, mais certains y ont encore vu une fascination de la cinéaste pour le culte du corps… Partiellement réhabilitée à partir des années 60 (Les Cahiers du Cinéma lui avaient même accordé un entretien, quelques années avant leur période Mao), la réalisatrice continua à susciter la controverse, jusqu’à sa mort à l’âge de 101 ans, en 2003. Les Dieux du stade demeure le film le plus célèbre de celle que d’aucuns considèrent comme l’égale d’un Griffith ou d’un Eisenstein.
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