Le 27 juillet 2021
- Scénariste : Michelangelo Setola>
- Dessinateur : Michelangelo Setola
- Genre : Chronique sociale
- Editeur : Misma Editions
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 6 mai 2021
- Plus d'informations : https://www.misma.fr/produit/les-de...
Un récit âpre et immersif.
Résumé : Un groupe d’ouvriers composé d’individus hétéroclites (dont un poète pris en cours de route), se rend dans un immense complexe pétrochimique. Ils sont reçus par un chef de chantier tyrannique et violent qui les somme de réaliser des réparations dans des délais impossibles : la vétusté de l’édifice contraste avec la dangerosité des matières qui y sont travaillées. Une explosion se produit alors et provoque l’émanation de vapeurs toxiques. Toute personne se trouvant sur le site se trouve en quarantaine et réquisitionné pour un travail forcé et hautement nocif.
Après la traduction de l’imposant Dormir dans la boue (Actes sud, 2016), Michelangelo Setola revient avec une œuvre radicalement différente éditorialement dans laquelle il creuse un style littéraire et graphique âpre et saisissant. En effet, le format de l’album impressionne déjà par sa taille, 30x42 cm et étonne par sa faible pagination, 32 pages. Ces dimensions nous plongent immédiatement dans un récit visuellement impressionnant, d’autant plus que l’auteur propose alternativement des pages composées de cases et d’autres emplissant des doubles pages pleines, s’étalant donc sur 42x60 cm. Au sein de ces compositions monumentales, l’auteur déploie un dessin d’une grande précision, servi par des déformations figuratives et plastiques qui leur confèrent une véritable attraction picturale. Les images sont ainsi parcourues d’espaces reproduits avec finesse, qui témoignent d’une application soignée et minutieuse, d’autres zones prenant une franche liberté par rapport à des conventions académiques, tandis que d’autres détails encore entrent dans un travail plastique où la gomme efface des formes et en fait surgir d’autres, abstraites. En effet, le dessinateur n’utilise pas tant la gomme pour faire disparaître des maladresses de dessins ou altérations de la représentation (nous avons vu qu’au contraire celle-ci parsèment les compositions) mais pour les qualités visuelles des traces laissées par le graphite qui se mélange et imprime le mouvement à l’origine de l’estompe. Setola ne gomme donc pas ses images mais utilise cet outil pour créer des espaces d’indifférenciation figuratives dans ses planches. Ces traces séduisantes, mouvantes, habitées par le mouvement qui en fut à l’origine, contrastent avec les reproductions méticuleuses de menus détails : l’agitation détonne à côté de la minutie.
- Michelangelo Setola / Misma
Ce travail graphique, d’une très grande richesse visuelle, s’accorde particulièrement bien à l’altérité des personnages qui hantent le récit. L’auteur nous présente des gueules cassées de l’industrie, déformées par le travail mais surtout par la nocivité des produits chimiques qui suintent de toutes parts dans ce sinistre complexe. L’ambiance lourde et glauque de cette usine transforme les hommes qui deviennent des monstres, du moins perdent progressivement leur humanité, celle-ci se trouvant par trop altérée. Cette intégrité se délite principalement sur le plan physique, la morale préservant une certaine consistance entre ces damnés, alors que du côté des patrons, la notion d’éthique se trouve évidemment bafouée, totalement absente de ces pages, offrant une moralité nécrosée, viciée, à l’image de l’exploitation industrielle qu’ils provoquent par leur négligence. À travers ce récit de catastrophe, Setola développe ainsi une histoire aux accents politiques très prononcés. Il nous emmène avec ces pauvres ouvriers au fin fond de l’enfer productiviste et chimique dans une lecture presque suffocante où le charnier industriel s’incarne dans une violence visuelle et narrative qui impressionne.
- Michelangelo Setola / Misma
Les déchets est donc une œuvre hallucinée et dense, un ouvrage hors-norme dans tous les sens du terme. Michelangelo Setola confirme le talent fou que l’on avait pu observer dans ses précédents ouvrages et revues, et propose ici une expérience immersive particulièrement saisissante.
Pour finir, nous souhaitons souligner l’extraordinaire travail des éditions Misma qui, d’album en album, approfondissent un catalogue qui ne cesse d’étonner autant par la diversité des œuvres proposées que par leur qualité artistique. Misma constitue aujourd’hui une des forces éditoriales alternatives les plus passionnantes à suivre.
32 pages - 17 €
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Galerie photos
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