Le 28 août 2022
Malgré un duo attachant (ou peut-être à cause de lui), Joseph Incardona perd le mordant qui faisait toute la force de La soustraction des possibles, sa satire battant ici de l’aile.
- Auteur : Joseph Incardona
- Editeur : Finitude
- Genre : Roman
- Nationalité : Suisse
- Date de sortie : 25 août 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Anna vend des poulets rôtis sur les marchés pour que son fils Léo ne manque de rien. Ou de pas grand-chose. Anna aspire seulement à un peu de tranquillité dans leur mobile-home au bord de l’Atlantique, et Léo à surfer de belles vagues. À vivre libre, tout simplement. Mais quand elle perd son camion-rôtissoire dans un accident, le fragile équilibre est menacé, les dettes et les ennuis s’accumulent. Il faut trouver de l’argent. Il y aurait bien ce « Jeu » dont on parle partout, à la télé, à la radio, auquel Léo incite sa mère à s’inscrire : gagner les 50.000 euros signifierait la fin de leurs soucis. Pourtant Anna refuse, elle n’est pas prête à vendre son âme dans ce jeu absurde dont la seule règle consiste à toucher une voiture et à ne plus la lâcher. Mais rattrapée par un monde régi par la cupidité et le voyeurisme médiatique, a-t-elle vraiment le choix ?
Critique : Une mère et son fils dans un mobil-home, sous les pins, près de l’océan et du sable. Pour qui connaît Joseph Incardona, ce postulat de départ est trop simple, trop sage pour porter l’un de ses romans. De fait, l’auteur continue sa dénonciation du système, du mercantilisme et des carcans qui entravent les hommes, devenus corps solides au contact de corps solides – chair contre métal ainsi que le suggère le nom des chapitres. L’animalité, la meute pourtant régie par l’autolâtrie, voilà ce qui est pointé du doigt. Anna et Léo sont attachants, pleins de cœur, au contraire des anti-héros de La soustraction des possibles – Joseph Incardona change de stratégie. Cette fois, la satire est portée par des êtres sensibles au malheur touchant et banal. Ces deux protagonistes sont ballottés par les soucis de la vie, dettes et accidents, factures qui s’accumulent, loi de Murphy à l’infini. Alors la promesse des billets, la promesse de liberté induites par l’acceptation des chaînes du capitalisme les font craquer, renoncer pour un temps à leur probité et à leur fierté. Bafouant intimité et morale, Anna cède à son fils et accepte de participer au « jeu », caricature des émissions de téléréalité, quintessence de leur stupidité. Pour gagner ? Rester en contact avec la voiture-trophée plus longtemps que les autres candidats.
Ainsi, la première partie des Corps solides donne vie à ce micro-foyer, à ces deux personnages qui font front dans une sorte de roman sociologique un peu hésitant. Puis, tout bascule dans la satire, dans l’absurde stéréotypant le vraisemblable. Le « jeu » prend malgré tout trop de place, trop de pages, retenant l’auteur, freinant ses envolés, ses phrases au cordeau, ses jeux avec la page blanche – retour à la ligne et points en rafale, tutoiement et anéantissements des rêves en une chute déchirante. Tous ces procédés qui font l’originalité incardonienne sont bridés ici, apparaissant par flashs contrôlés, trop sages. Peut-être que manquent aussi ces têtes à claque, ces satires des puissants, ces anti-héros que l’on prend plaisir à voir choir.
Joseph Incardona - Les corps solides
Finitude
14,5 x 22
272 pages
22 euros
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