Le 19 août 2019


- Scénariste : Igort>
- Dessinateur : Igort
- Genre : Policier
- Editeur : Casterman
- Famille : Roman graphique
Igort, un auteur italien trop peu visible en France, signe un one shot surprenant, malgré une couverture en deçà du contenu. Que recèle-t-il de précieux pour qu’on s’y penche d’aussi près ?
Naples, 1972. Quinze ans que Peppi le vieux mafioso a raccroché. Une nuit il reprend ses fonctions bien décidé à venger son fils, tombé dans un guet-apens ; il en fait une histoire personnelle et transgresse les règles de la Camorra, au risque de mettre sa peau en danger.
Igort construit une intrigue somme toute classique, mais l’originalité réside dans le traitement psychologique des protagonistes et la vision du monde dans lequel ils évoluent. Kaléidoscope de panneaux publicitaires, madones, raffineries, processions, églises, ombres fuyant le bitume détrempé, encore des madones... Autant d’images étouffantes, de passages muets, qui laissent entrevoir une destinée tragique et irréversible.
Les rues désertées, rififis et magouilles se déroulent à l’arrière des boutiques ; on y trouve des durs à cuire, sensibles de la gâchette, réglant leur compte la peur au ventre ou pleurant à chaudes larmes. Donc loin de désigner l’union des doigts d’une main - emblème de la mafia - 5 est le numéro parfait résume la condition misérable des mafiosi, celle d’esclaves solitaires au service d’une pseudo famille : "Deux bras, deux jambes et ma figure [...] c’est ma maison".
Et cette atmosphère pesante est accentuée par l’étonnant traitement graphique d’Igort. La présence du bleu dans cet album en bichromie annonce une menace sous jacente ; les tracés du pinceau ou de la plume ainsi que les cases "molles" - évoquant évanescence et instabilité - signalent un danger imminent. Mais ses qualités picturales dépassent toute attente. Chaque page est un enchantement car les vignettes sont agencées différemment : on passe d’une série de planches composées en symétrie inverse à une case pleine page puis à des illustrations sans cadre... Tout un univers en perpétuel mouvement.
Alors on oublie la couverture ratée... L’important, c’est ce qu’il y a dans la boîte : un vrai bijou !
175 pages
Réédité chez Casterman, dans la collection Écritures, en 2009.