Le 5 juin 2021
Joanes Nielsen est un grand auteur féroïen, pour la première fois traduit en français. Son expérience traverse ce roman parfois âpre et violent, mais aussi plein d’empathie pour ses personnages attachants.


- Auteur : Joanes Nielsen
- Editeur : La Peuplade
- Genre : Roman
- Nationalité : Danoise
- Traducteur : Inès Jorgensen
- Titre original : Glansbilaetasamlararnir
- Date de sortie : 1er avril 2021
- Plus d'informations : Le site officiel de l’éditeur

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Résumé : Voici une saga nordique moderne qui court sur plus de quarante ans. Les personnages n’échappent pas à leur destin, marqués par l’affrontement des forces contraires qui s’agitent en eux et au-dehors.
Critique : Ce roman est l’un des rares à nous parvenir des îles Féroé, archipel de l’Atlantique nord sous contrôle du Danemark. Ils sont six garçons nés en 1952, et l’on sait dès les premières pages que cinq d’entre eux mourront prématurément, cette nécrologie sonnant comme un avertissement au lecteur. Le premier est emporté à onze ans par une méningite, l’autre se noie, un troisième prendra un mauvais coup lors d’une bagarre, un autre sera assassiné, tandis que le dernier meurt du sida en 1996. Dans cette contrée balayée par les vents, où l’activité principale est la pêche au large, la vie est rude et les enfants semblent n’hériter que d’une confrontation violente à la réalité. Le narrateur Kari se souvient avec émotion de ses anciens camarades de classe, les fameux « collectionneurs d’images ». Avec des allers-retours temporels, on suit ces personnages qui se connaissent depuis l’école catholique de Tórshavn. En une quarantaine d’années, ils évoluent dans un pays divisé entre unionistes et indépendantistes, frappé par la crise majeure des années 1990, vidé de sa population à cause du chômage, et marqué par la volonté de réappropriation culturelle, via la langue féroïenne. Le fatalisme teinté de religion, le patriarcat et le traditionalisme orientent la trajectoire des hommes de ce territoire où l’alcool et la violence font mauvais ménage, où l’altérité est considérée comme une déviance et les codes virils sont exacerbés. Pour échapper aux carcans de l’insularité, certains s’exilent ou se perdent, d’autres trouvent dans les livres et dans l’art une échappatoire. Ici, le sentiment affleure sous la rugosité, le style est réaliste, et la langue râpeuse, parfois crue, est traversée d’éclats de beauté et de lumière aveuglante.
480 pages - 21 €