Critique : Face à nous, deux vieux enfants qui s’ennuient, s’angoissent, jouent, radotent et nous tendent un miroir.

Catherine Salviat propose avec talent et justesse des intonations et des mimiques qui viennent ponctuer les répliques. C’est audacieux quand on sait, dans l’absolu, que cela peut irriter les spectateurs. Mais elle en use à bon escient, juste ce qu’il faut pour saupoudrer le spectacle d’une saveur supplémentaire.

Le jeu de Jean-Paul Farré nous fait jubiler. Son phrasé est une référence. Il porte haut les couleurs et les mots du grand théâtre. Il a une façon d’être qui rayonne et nous emporte.

Le duo offre une performance d’acteurs dans un flux tendu d’émotions et d’alternance de rythmes. Ils ne s’économisent pas. Bien au contraire, leur souci du détail rend leur jeu généreux. Il n’y a pas de vide, tout est comblé pour satisfaire le public dans une harmonie esthétique. La gestuelle, les mouvements de corps alimentent le rythme. Ils ajoutent une musique.

Stéphanie Tesson, assisté d’Emilie Chevrillon, a choisi dans sa mise en scène de laisser une large place à l’humour, ce qui diffère d’autres mises en scène de la pièce. Il est vrai qu’il aurait été dommage de passer à côté ou de faire taire cette dimension essentielle du texte. Les mots de Ionesco vivent, courent, planent ainsi avec un écho jouissif. Ils sont libérés. Le texte est magnifique, frais, la spontanéité est à la fois réelle et fabriquée. La créativité de Ionesco, auteur classique et contemporain, se nourrit d’une sensibilité décalée qui lui est propre, en arrivant à sublimer la réalité pour transmettre des messages qui nous parviennent de façon encore plus percutante.

Les costumes, presque clownesques, sont un décor à part entière. Dans le code couleurs, le rouge vif prédomine sur les comédiens, les rideaux, les chaises. Une touche dorée vient agrémenter les visages.

L’écrin du théâtre de Poche-Montparnasse se prête parfaitement à l’accueil de la pièce. Rappelons que c’est ici même que La leçon d’Eugène Ionesco a été créée. Les chaises rouges sont omniprésentes dans les lieux et c’est tout naturellement que Stéphanie Tesson a choisi de mêler celles du public avec celles des invités qu’attendent les personnages.

Le spectacle est un beau et grand moment de théâtre qui fait réfléchir et nous amuse ! A voir absolument !