Le 6 mars 2018
Du cinéma bis des années 80, méconnu, mais qui ne manque pas de mordant, de nouveau d’actualité à l’occasion d’une sortie blu-ray collector...
- Acteurs : Lorraine de Selle, John Aldrich (pseudo de Tony Di Leo), Ugo Bologna, Louisa Lloyd, Monica Nickel, Alessandro Freyberger
- Genre : Épouvante-horreur, Nanar
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Eurodis, Cineprodis
- Durée : 1h31mb (blu-ray)
- Box-office : 28.653 entrées (Entrées France) / 3.842 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Wild Beasts / Belve feroci
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 30 octobre 1985
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : A la faveur d’une contamination de l’eau, les animaux d’un zoo d’une ville européenne s’échappent et attaquent tout sur leur passage.
- spip-bandeau
Notre avis : 1985 ! Une année riche en films fantastiques avec les sorties françaises de Razorback, Terminator, La Compagnie des Loups, Lifeforce, Phenomena… mais aussi cette bizarrerie celluloïdale nommée Les Bêtes féroces Attaquent, du cinéaste Franco Prosperi. Il s’agit du co-auteur de nombreux pseudo-documentaires, un sous-genre nommé « Mondo » comme Mondo cane ou Adieu Afrique. Les bêtes féroces attaquent reste à ce jour son seul film de fiction.
De manière curieuse, le film se vendra difficilement à travers le monde. Et selon l’acteur principal, même sorti par la Fox en Italie, avec un certain malheur. Mais un gros succès au Japon (on est toujours le Big in Japan de quelqu’un après tout).
Pour la France, il démarra sa carrière lors de sa présentation au Festival d’Avoriaz en janvier 1984 et puis… plus rien. Ou presque. Il faut préciser que contrairement à ce qu’indique S. Gayraud dans la partie bonus de la sortie vidéo française, le film est bel et bien sorti dans nos salles, le 30 octobre 1985 (dans 5 salles du réseau Paramount, plus le Convention St Charles), à Paris, pour un total pauvret de 28.653 entrées sur l’ensemble du territoire Le film se dirigera ensuite vers la VHS (légale et illégale) pour sombrer quelque peu dans l’oubli. Un DVD allemand sortit en 2011 chez Camera Obscura, contenant déjà pas mal de suppléments. Jusqu’à ce que l’éditeur américain Severin Films ne l’exhume en Blu Ray. Pour la France, il s’agit de la société The Ecstasy of Films qui se charge de la sortie en HD en 2018.
Malgré ce qui est indiqué à plusieurs reprises dans l’édition française, le film, tourné en 1982, est bel et bien sorti également en salle, en février 1984, en Italie… et quelle décade pour le cinéma de genre italien. Ultimes cris de gloires, dernières poussées de gore extrême… la télévision et l’avènement de la vidéo vont lentement tuer les sorties cinématographiques de ces produits bricolés avec un budget parfois minimal. La péninsule nous gratifiera encore de quelques solides bijoux. Sauf que pour un excellentissime Démons, il va falloir se palucher des choses ridicules comme Chasse aux Morts Vivants - ou Final Executor pour les intimes - tourné en campagne napolitaine ou des Bruno Mattei à la chaîne. Ou, encore ici, dans un cinéma d’entre-deux qualités.
L’argent principalement placé dans les prises de vue, il n’y a presque plus rien pour le casting. Outre la translucide et française Lorraine de Selle (Cannibal ferox), la production engage des inconnus comme John Aldrich (pseudo de Tony Di Leo, dont ce fut l’unique délit) ou encore le second couteau Ugo Bologna. On notera également le discret Daniele Patucchi pour la partition musicale, un auteur qui œuvre pour le bis et ailleurs, dont on évoquera notamment une partition vocaliso-inquiéto-lounge, pour le médiocre mais rigolo Les Anges Pervers. Il donne ici dans la mouvance italienne 80’s en droite ligne de Fabio Frizzi et autres frères De Angelis dans l’électronique. En n’omettant surtout pas l’inévitable saxo solo qui sévit douloureusement dans les partitions bissardes des années 80. Ce fut hélas son dernier travail pour le cinéma.
La liste ne serait pas complète sans l’inénarrable Al Passeri. L’auteur du redoutable Plankton s’occupe ici de certains SFX animaliers, rendus acceptables du fait d’un adroit montage très cut.
L’influence principale de révolte de la nature contre l’homme, c’est bien sûr Les Oiseaux, d’Alfred Hitchcock,… mais on y verra plus une copie du très recommandable Day of the Animals de William Girdler. Un spectacle qualitativement beaucoup plus intéressant - à tous points de vue.
Pour le film de Prosperi, on trouve un scénario déséquilibré, tentant de pomper quelques éléments dans tous les sens : mondo, gore, film catastrophe, action... Le film est d’ailleurs scindé en deux, de manière curieuse, avec ses attaques animales dans un sens et ses enfants tueurs finaux - comme la citation initiale pré-générique l’annonce. Qui ressemble plus à un recyclage maladroit des Révoltés de l’An 2000 mâtiné des Tueurs de l’Eclipse. Cette force conjointe d’influences donne indéniablement une personnalité à part au film. Toutefois créé aussi quelque peu sa perte, les deux parties disjointes s’imbriquant de manière artificielle… pour le plaisir du petit choc.
La fin justifie-t-elle les moyens ? Connaissant les extrémités auxquelles le cinéma de genre italien est allé, il y a de quoi se poser la question. Contrairement à ce que l’interview du cinéaste indique, il y a clairement des plans de violence animale devant la caméra - et des morts d’animaux in fine. Les attaques de porcins, bovins exécutés devant la caméra pour le plaisir du spectacle reste inexcusable. Donc, dans la logique de l’auteur pour mieux dénoncer, il faut montrer. Tout, du moins, dans la logique du cinéma d’exploitation, tout en prenant bien soin de replacer l’ensemble dans son contexte de cinéma à bout de souffle, pour tenter d’attirer le spectateur déjà bien habitué aux tentatives d’altération du réel par ces cinéastes de l’extrême.
Il y aussi des plans curieux (hier, comme aujourd’hui) de voir une séquence commencer sur la poitrine dénudée d’une pré adolescente en train de s’habiller. Un reste d’obsession de vieux cochons de cinéastes italiens portés sur les petites culottes ado des années 70, très probablement. Et ce cinéma ne serait rien sans ses vieilles obsessions sur les recettes du sexe puni, ici par des rats. Avec les plans de nudité féminine gratuite requise par le cahier des charges.
Le message/argument écologique, déjà bien usé a l’époque de Piranhas (la vraie bonne version de 1978) et autres Avalanche, entre autres, semble surtout être une vague excuse pour aligner des saynètes mettant en scène des attaques animales. L’empoisonnement de l’eau demeure également un ressort narratif à la mode, puisque des films comme l’excellent Doomwatch de Peter Sasdy, et ce qui a découlé de la maladie de Minamata : Panique de Jean-Claude Lord ou le très mésestimé Prophecy de John Frankenheimer - y avaient déjà puisé leurs ressources.
Le cinéaste se sert copieusement/fait référence (avec les cinéastes d’exploitation transalpins, la frontière est ténue...) avec notamment l’aveugle et son chien guide berger allemand (Suspiria nous voilà). Et dans la grande tradition du copier/coller italien, Fulci reprendra le thème de l’aveugle attaqué par son chien dans L’Au-delà. Puis Prosperi ici. Boucle bouclée. Un grand classique du pompage/transformation à l’italienne.
Quelques plans gores furtifs et efficaces, qui paraissent bien légers comparés aux exagérations Fulciennes mais de bon aloi. Mais on aura bien du mal à être mis mal à l’aise par ceux-ci, qui gardent aujourd’hui un esprit nostalgique sur le bon vieux temps des bricolo soigneux et créatifs, mais toujours bons à prendre, comparés aux horreurs numériques que le cinéma de genre récent a pu nous assommer avec.
Le film ne manque pas de plans d’attaques félines forts... d’autres parfaitement grotesques, comme l’attaque de la trompe d’éléphant tueuse ! Un grand moment de solitude cinématographique avec des acteurs hagards hurlant dans le vide. On voit clairement que ce qui intéresse Prosperi demeure l’impact visuel a l’écran mais en rien le fait de diriger des acteurs supposés délivrer/accompagner/dynamiser cet impact.
Mais cela reste par moments infiniment spectaculaire ! Des plans complexes à élaborer, comme la poursuite du guépard, haletante. L’invasion de l’aéroport par les éléphants (Johannesburg reconnaissable ici avec les 747 de la compagnie aérienne locale SAA) et l’explosion à l’atterrissage d’un avion. Maquettes soignées, effets réussis. Idem pour l’ours polaire, pourtant quelque peu apathique, certainement dû aux sédatifs auxquels il a été soumis. Le bouffage de blonde change du phoque sur la banquise, on va dire. Mais ne serait-ce que l’idée de faire tourner des enfants avec un véritable ours polaire dans un même plan révèle bien la folie furieuse de l’entreprise. Au mépris des règles de base de sécurité ? Toujours l’impact visuel de l’action vs la crédibilité des acteurs, qui semblent plus des marionnettes obligatoires. Mais compte tenu des conditions extrêmes de tournage, peut on vraiment leur en vouloir ? Non. Car il s’agit avant tout de la richesse de l’ambivalence transalpine explorant un concept à son maximum possible. Où, oui, la fin justifie les moyens du bis.
Les Bêtes Féroces Attaquent reste avant tout un spectacle hors norme, rythmé, Bis dans ses racines nerveuses mais franchement mauvais d’un strict point de vue narratif et cinématographique. Il demeure jouissif au 36e degré de par son inadéquation de jeu, ses risques insensés pris pour le simple fait du choc visuel - une constante dans le cinéma de genre d’italien qui mourra de sa belle mort télévisuelle quelques années plus tard.
Et de voir débarquer en France et en HD une œuvre aussi ambivalente et oubliée tient du miracle. On ne peut que remercier les éditeurs indépendants comme the Ecstasy of Films pour ces efforts. Non pas que le film soit un incunable du cinéma (absolument pas) ou du cinéma de genre. Mais une étrangeté que les amateurs de Bis apprécieront à sa juste valeur, devant faire fi des méthodes outrancières employées par ses producteurs pour arriver à leurs fins. Et le tout gorgé de bonus, ça ne se refuse pas.
Distribution : Cineprodis pour Paris et Eurodis pour la province
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