Le 22 avril 2024
Les aspirations de la jeunesse tchécoslovaque des années 60 à travers les yeux d’une jeune ouvrière. Un film d’une belle maturité.


- Réalisateur : Miloš Forman
- Acteurs : Hana Brejchová, Vladimir Pucholt, Vladimir Mensik
- Genre : Comédie, Drame, Romance, Noir et blanc
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h24mn
- Date télé : 23 novembre 2020 22:10
- Chaîne : OCS Géants
- Titre original : Lásky jedné plavovlásky
- Date de sortie : 16 février 1966
- Festival : Festival de Cannes 1965, Festival À l’Est

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Résumé : Zruč, petite ville de Tchécoslovaquie. Dans un internat pour jeunes filles réservé aux ouvrières de l’usine, Andula (Hana Brejchová) fait des confidences à sa voisine de chambre sur ses amours. Elle hésite entre deux prétendants, l’un lui a offert une bague, le second lui plait mieux, mais il est dejà marié. Le maire, également directeur de l’usine (Josef Kolb), a fait le voyage jusqu’à Prague. Il plaide pour faire implanter une caserne dans sa ville où démographiquement, il n’y a qu’un garçon pour seize filles. Quelques temps plus tard, arrive à Zruč, un train de militaires sous la musique de la fanfare. Malheureusement, il n’en sort que des réservistes qui ne sont plus de première jeunesse.
Critique : Sur un ton doux amer, le récit suit les aventures amoureuses de la blonde Andula, dans la province de la Tchécoslovaquie des années 1960. Si la jeunesse essaie de s’émanciper, à l’instar des pays de l’Ouest, elle est encore corsetée par la tradition et l’omniprésence du pouvoir soviétique. Certes, les jeunes femmes commencent à travailler et rêvent de liberté, mais elles sont vite rattrapées par la dure réalité de cette société patriarcale, qui commence néanmoins à se craqueler.
La scène du bal (lieu de vie important que l’on retrouvera dans le film suivant de Miloš Forman Au feu les pompiers !) est bien révélatrice de cette situation. D’un coté, des tables de bidasses un peu gauches qui lorgnent sur les filles. De l’autre, les filles de l’usine, qui se sentent épiées, et trouvent ces messieurs trop âgés, mais se laissent néanmoins approcher. Le tout rythmé par un orchestre traditionnel qui tente d’occidentaliser son répertoire. Les manœuvres des trois militaires qui tentent un peu mollement de séduire Andula et ses deux amies vont donner lieu à des scènes aussi cocasses que pathétiques. Finalement, Andula, plus délurée, passera la nuit avec le pianiste de l’orchestre, Milda (Vladimir Pucholt) !
Andula ne sait pas forcément ce qu’elle veut. Elle souhaite juste sortir de sa condition d’ouvrière, étant destinée à devenir mère au foyer à plus ou moins court terme. Sa liaison avec le pianiste qui vient de la capitale lui laisse augurer de vivre autre chose. Elle déchantera vite.
Il y a du féminisme et du désenchantement dans ce film où l’on sent clairement l’influence de la Nouvelle Vague française. Il contient également une critique du système qui passe complètement à coté de sa jeunesse. Le stratagème grossier du maire tournera vite court.
Avec un ton qui mêle mélancolie et ironie, le long-métrage montre toute la vacuité d’un monde dépassé. On s’amuse beaucoup des mimiques satisfaites du maire, des maladresses des militaires ou encore des chamailleries des parents de Milda. Mais en même temps, on est triste pour Andula dont l’avenir se semble guère réjouissant.
Miloš Forman, épaulé par Ivan Passer, fait preuve d’une belle maturité et d’une certaine clairvoyance dans ce film d’un beau noir et blanc, qui vient de bénéficier d’une belle restauration.