Coma profond ?
Le 13 novembre 2011
A-t-on adopté le premier long de Mélanie Laurent ?
- Acteurs : Marie Denarnaud, Mélanie Laurent, Denis Ménochet
- Genre : Comédie dramatique, Comédie romantique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 23 novembre 2011
Mélanie Laurent s’essaie à sa première réalisation avec une histoire d’amour et de famille qui ne manque pas de bonnes intentions, mais singulièrement de chair et de saveur.
L’argument : Une famille de femmes que la vie a souvent bousculée mais qui est parvenue avec le temps à apprivoiser les tumultes. Les hommes ont peu de place dans cette vie et naturellement quand l’une d’entre elle tombe amoureuse tout vacille. L’équilibre est à redéfinir et tout le monde s’y emploie tant bien que mal. Mais le destin ne les laissera souffler que peu de temps avant d’imposer une autre réalité. La famille devra alors tout réapprendre. La mécanique de l’adoption devra à nouveau se mettre en marche forçant chacun à prendre une nouvelle place...
Notre avis : La très hype Mélanie Laurent poursuit son ambition touche-à-tout en passant derrière la caméra pour son premier long-métrage, dont elle a également signé le scénario. Nul doute que la réalisatrice en herbe, très médiatisée ces temps-ci, sera attendue au tournant par le public et par la profession, parmi lesquels elle compte quelques détracteurs – ses dernières "sorties" publiques sur son rapport aux critiques, pourtant rançon inévitable du succès, ont pu en agacer plus d’un. En dehors de toute considération people, de toute façon hors de propos, il n’y a ici qu’une seule chose à juger : l’œuvre elle-même, ces fameux Adoptés qui pourraient bien sonner comme une deuxième chance pour son auteur.
Les premières minutes laissent augurer d’un récit familial dans l’air du temps où la caméra de Laurent, à l’aise et enlevée, prend immédiatement ses marques. Lisa (Marie Denarnaud) tient une librairie de littérature anglo-saxonne et entretient une relation fusionnelle avec sa sœur adoptive Marine (la réalisatrice elle-même), laquelle voit rouge lorsque sa frangine tombe sous le charme de son voisin Alex (Denis Menochet, le fermier d’Inglourious Basterds, inattendu dans le rôle du lover). Débuté comme une romance fleur-bleue, le film bascule dans le drame lorsqu’un accident plonge l’un des amants dans le coma... Mélanie Laurent reconnaît aisément que le scénario des Adoptés ne s’inspire en rien de sa vie réelle. Cette volonté de fiction est louable, à l’heure où la moitié des premières œuvres relève de l’autobiographie filmée, surtout dans le cinéma français – presque une tradition en soi, de Valérie Donzelli à Olivier Marchal en passant par Maïwenn. Malheureusement, la jeune réalisatrice aurait peut-être mieux fait de s’en tenir à son histoire personnelle car Les Adoptés sonne rapidement faux, souffrant d’une évidente carence d’écriture dans les personnages et les situations. Est-il encore possible, notamment, de filmer le coup de foudre avec une telle naïveté, une telle facilité en 2011 ? D’autres s’y sont essayés, notamment La Guerre est déclarée, qui reprenait le même argument de « l’amour en combat contre la mort » ; et le film de Donzelli, par ailleurs, au-delà de ses canevas en apparence usés, venait joliment démontrer qu’auto-fiction ne rimait pas forcément avec manque d’inspiration. Les Adoptés, quant à lui, manque trop d’audace, de profondeur et de distance avec son sujet pour que son amourette dépasse l’horizon d’un épisode de Plus belle la vie.
Ce qui pose problème ici, au-delà de l’inconséquence (pas déplaisante au demeurant) de cette intro romantique, c’est que celle-ci doit servir de rampe de lancement au virage – périlleux – que le film voudrait opérer vers le tragique. Or, il le fait sans s’en être donné les moyens, c’est-à-dire sans avoir sorti ses personnages d’étiquettes stéréotypées (la fille joyeuse et totalement lisse, le bon gars bourru, la maman sympa...) ou d’exercices de surjeu crispant (Audrey Lamy, pénible en bonne copine chiante et hystérique). De fait, l’ensemble manque singulièrement de chair et aura bien du mal à transmettre, par la suite, des sentiments aussi délicats que l’absence ou la douleur. Et si la forme et le fond, passablement creux, parviennent à faire tenir la romance sucrée, ils s’effondrent lorsque Laurent chausse ses semelles de plomb pour délivrer ses "messages" : las, tout le monde finira par se réconcilier (Marine et Alex, d’abord ennemis farouches, en viennent à "s’adopter" face à l’adversité), par prendre sa vie en main pour réaliser ses rêves laissés en friche (rattraper le temps perdu, devenir grand cuistot au lieu de critique gastronomique, se lancer dans la musique etc). Sous couvert de vérités définitives, ces tartes à la crème seraient sans doute plus digestes si elles ne passaient pas que par des dialogues sentencieux et symptomatiques, des itinéraires scénaristiques parfaitement balisés qui ne laissent aucune poche d’air (ou si peu) à ses personnages pour respirer, quand ceux-ci ne sont purement et simplement débarqués du récit (la personne dans le coma).
Reconnaissons que Mélanie Laurent aurait pu faire pire en la matière, retomber par exemple dans une romance alternative ou un happy-end factice. Reconnaissons également que sa mise en scène réussit quelques jolis coups (notamment dans certaines séquences cruciales) qui nous permettent de tenir jusqu’au bout, malgré un ennui inévitable et persistant. Mais le traitement du scénario façon patchwork, en une suite de vignettes vaguement acidulées chargées de représenter les petits riens de nos vies (l’influence de Mike Mills n’est pas loin, pour qui Laurent a tourné Beginners), a tôt fait de réduire Les Adoptés à une série de petits clips jolis, mignons et maniérés. Ses artifices pop – dont un usage caricatural du flou et de la lumière saturée, qui semble courir après le spleen cotonneux d’une Sofia Coppola sans parvenir à le rattraper – relèveront davantage des tâtonnements d’une étudiante en cinéma mal dégrossie que d’un véritable regard porté sur son récit. Prisonnier de son ressassement des mêmes motifs, le film semble alors s’étirer à l’infini dans sa dernière heure, la plus dramatique, tout en voulant combler son vide par un empilement de références de bon goûts. Mots d’auteurs et romanciers américains passent alors en boucle à la manière d’un juke-box, un fond sonore qui remplit la matière du long-métrage sans jamais l’enrichir. Faut-il y voir, au mieux, la passion sincère d’une artiste pour ses aînés, ou au pire, le nombrilisme branché de sa réalisatrice, qui revient par la bande alors qu’on avait essayé d’en faire abstraction sous l’humilité (réelle) de son projet ? Peut-être un peu des deux. Comme on pouvait s’y attendre, Mélanie Laurent a réalisé une œuvre à son image, non dénuée de talent ou de potentiel, mais fusillée par ses minauderies et ses poses. On ne lui en tiendra pas rigueur pour une première réalisation, mais qu’on nous permette de passer notre chemin, ou d’attendre le prochain pour se faire une idée.
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Céline.L 11 décembre 2011
Les adoptés - la critique
Premier film tant attendu au tournant de Mélanie Laurent, je me suis empressée d’aller le voir, attirée par la bande-annonce.
Pour faire bref, bien que le film soit quelques fois en longueur, il en reste tout de même bon et touchant.
Ce que j’apprécie par dessus tout, comme d’habitude même, c’est les rôles dramatiques de Mélanie Laurent.
Une fois de plus ici, je le trouve parfaite dans son jeu d’actrice faite pour de tels rôles.
Le film raconte une histoire poignante et touchante même si on peut lui reprocher d’avoir quelques passages à vide manquant d’intérêt.
Il reste pour autant un bon premier film en tant que réalisatrice de la très en vogue Mélanie Laurent.