Le 14 janvier 2002
Il a fait de la négritude sa patrie, faute de trouver sa place dans des univers qui ne le reconnaissaient plus
Senghor nous a quittés le 20 décembre, et c’est avec lui toute une page de l’histoire de l’Afrique qui se ferme. Homme politique, homme de lettres, personnalité complexe, ambiguë, il a fait de la négritude sa patrie, faute de trouver sa place dans des univers qui ne le reconnaissaient plus.
Militant, il tint les rênes du pouvoir sénégalais pendant 20 ans, de l’indépendance à la démocratie, régulièrement réélu jusqu’en 1981, où il décide de se retirer au profit d’Abdou Diouf, à qui il va confier le pays. Phare de la politique africaine, ce fut pourtant un homme plein de contradictions dans l’exercice même du pouvoir, ballotté entre un discours humaniste et démocratique (et de fait, il assura au Sénégal une ouverture démocratique sans heurts ni violences), et des actes parfois durs et autoritaires (Mamadou Dia, compagnon de sa jeunesse fut emprisonné pendant douze ans à la suite d’un coup d’état manqué en 1962).
L’histoire l’a souvent poussé sur la scène publique, malgré lui, comme en 1961, ou il prend la présidence du Sénégal indépendant, tout en s’interrogeant encore sur l’opportunité de cette indépendance, pour un peuple qu’il ne juge pas prêt.
Mais si l’homme politique fait partie des grandes figures de l’histoire africaine, Senghor est aussi l’homme de lettres, l’orateur brillant, le poète, la voix de la culture et de la littérature africaines.
Léopold Sedar Senghor est né à Joal, au Sénégal, le 9 octobre 1906. Il commence ses études au séminaire de Ngasobil, puis au collège Liberman de Dakar, orienté par les religieux du séminaire qui le jugent trop frondeur pour la prêtrise. Il obtient une bourse pour poursuivre ses études en France et entre en classe préparatoire au lycée Louis-le-Grand. Il prend la nationalité française pour pouvoir passer l’agrégation de grammaire qu’il obtient en 1935. Il sera le premier agrégé d’Afrique noire.
Senghor revendiquera toujours cette "partie blanche" de lui même, se qualifiant de "métis culturel". Mais il alternera longtemps des périodes de totale assimilation, et d’autres, de révolte contre le colonisateur, d’appel à la prise de conscience des intellectuels africains. En 1934, il fonde le journal L’Étudiant noir, aux côtés d’Aimé Césaire et de Léon Gontran Damas. Le journal prône "la liberté créatrice du Nègre, en dehors de toute imitation occidentale", et appelle au retour aux sources. C’est cette réflexion qui posera les bases du mouvement de la négritude. Mais Senghor lui apportera une véritable dimension internationale en 1948, avec la publication de l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, préfacée par Sartre.
Parallèlement à cette action militante, l’oeuvre poétique de Senghor va prendre forme, déclinant des thèmes authentiquement africains. On peut y voir parfois l’influence de St John Perse, ou des Parnassiens, mais le rythme de ces vers reste africain, intimement lié au rythme de la tradition orale qui a bercé son enfance.
Senghor avait choisi de finir sa vie en Normandie, le pays de sa femme. Il repose maintenant au Sénégal, comme un ultime retour aux sources, à la terre tout à la fois douce et ingrate qu’il n’a jamais cessé d’aimer.
"Ma tête sur ton sein chaud comme un dang au sortir du feu et fumant
Que je respire l’odeur de nos Morts, que je recueille et redise leur voix vivante, que j’apprenne à
Vivre avant de descendre, au delà du plongeur, dans les hautes profondeurs du sommeil."
Chants d’Ombre, 1945
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