Profondo Giallo
Le 7 novembre 2015
Une plongée sanglante et sans concession dans la psyché d’une femme tourmentée par ses désirs. Le venin de la peur est une œuvre superbe qui se joue habilement des codes du giallo et dans laquelle les grands thèmes du réalisateur sont déjà présents. Un film à redécouvrir chez le Chat qui Fume avec une édition définitive.
- Réalisateur : Lucio Fulci
- Acteurs : Stanley Baker, Anita Strindberg, Florinda Bolkan, Jean Sorel, Leo Genn
- Genre : Giallo
- Nationalité : Espagnol, Français, Italien
- Editeur vidéo : Le Chat qui fume
- Durée : 1h42min
- Reprise: 17 juillet 2019
- Titre original : Una lucertola con la pelle di donna
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 17 février 1971
- Plus d'informations : Le Chat qui Fume
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– Sortie DVD & Blu-Ray : le 1er septembre 2015
Une plongée sanglante et sans concession dans la psyché d’une femme tourmentée par ses désirs. Le venin de la peur est une œuvre superbe qui se joue habilement des codes du giallo et dans laquelle les grands thèmes du réalisateur sont déjà présents. Un film à redécouvrir chez le Chat qui Fume avec une édition définitive.
L’argument : Carol Hammond fait d’étranges rêves. La nuit, cette bourgeoise mariée, bien sous tous rapports, s’imagine avoir des relations intimes avec sa voisine hippie délurée, avant de la poignarder. Quand celle-ci est retrouvée assassinée, Carol se met à questionner sa propre santé mentale.
Notre avis : 1971, l’âge d’or du giallo. Alors qu’il n’était pas encore considéré (de manière quelque peu réductrice) comme le "pape du gore" à l’italienne, Lucio Fulci dérange la société bien pensante italienne avec Le venin de la peur, giallo oscillant entre l’onirique et l’horreur.
Sans préavis, le réalisateur nous plonge directement dans les fantasmes sexuels et morbides de Carol Hammond, incarnée par la sensuelle Florinda Bolkan, parfaite dans le rôle de cette jeune épouse coincée dans un milieu bourgeois puritain (ou qui fait semblant de l’être) et en proie à des rêves de plus en plus violents. Mine de rien, la plupart des thèmes chers au réalisateur sont présents dans cette œuvre à redécouvrir d’urgence : la ligne ténue qui sépare le rêve de la réalité et l’irruption du cauchemar dans cette dernière.
- © Le Chat qui Fume
Avant L’enfer des zombies et sa trilogie de l’horreur, Lucio Fulci montre déjà qu’il sait instaurer une ambiance morbide et fascinante comme aucun autre, à ceci près que dans Le venin de la peur il expérimente, il ose utiliser des angles de caméra inhabituels, des doubles-focales, un split-screen ou encore un montage ultra-cut qui dynamise l’ensemble, toutes ces innovations qui se trouvaient déjà en partie dans Perversion Story mais qui éclatent avec ce giallo peu commun.
A la fois nerveuse et maîtrisée, la réalisation impressionne, confère à l’ensemble une hystérie qui est le reflet de la torture mentale que s’inflige Carole tout au long du film, accompagnée d’une inquiétante musique d’Ennio Morricone (une des meilleures B.O. du genre) et d’images perturbantes, comme l’oie géante, les cadavres en putréfaction, ou encore les chiens éviscérés, brutale irruption complètement gratuite du gore dans la réalité, une manière de montrer que c’est le réalisateur qui tient les fils et qu’il fait surgir le sang et la tripaille là où on ne l’attend pas.
- © Le Chat qui Fume
En effet, Fulci se plaît à jouer avec les codes du genre : pas de tueur masqué au rasoir et seulement deux meurtres, dont un hors-champ. Au fond, ce qui nous intéresse ici, ce n’est pas la résolution de l’enquête, confuse et expédiée en cinq minutes comme dans la majorité des gialli, mais la psyché de l’héroïne et le contexte dans lequel celle-ci évolue, le Londres des années 1970.
C’est une façon pour Fulci de renvoyer dos à dos toutes les composantes de la société : entre les bourgeois sexuellement frustrés qui se cachent derrière le masque de l’hypocrisie (Jean Sorel et Leo Genn, le gendre et le père, tous deux figés par leurs mensonges et leur souci de préserver leur respectabilité) et une jeunesse dévergondée, inconsciente et sadique (envoûtante Anita Strindberg, peu présente à l’écran mais dont le rôle est central), "tous pourris" pour Fulci, un constat qui n’est pas sans rappeler la désillusion post-68 de Sergio Leone dans son Il était une fois la révolution. Sorti en 1971, étrillé par la censure, Le venin de la peur a été charcuté pendant des années et même fait l’objet d’une légende urbaine (l’insert de plans porno dans la version française pour attirer un autre genre de public).
Aujourd’hui disponible dans une version quasi-intégrale, le film de Fulci est une entrée en matière idéale pour découvrir une autre partie (assez courte) de sa filmographie, avant qu’il ne pose sa caméra pour se concentrer sur l’atmosphère de fin du monde et de pourriture qui imprègne ses films suivants.
LE TEST BLU-RAY
Non content de nous proposer pour la première fois en France un film de Lucio Fulci en haute définition, Le Chat qui fume nous gratifie de suppléments aussi intéressants que variés, le tout emballé dans un triple digipack très classe accompagné de la B.O. du maestro Morricone sur CD, ce qui en fait un des collectors indispensables de l’année 2015.
Les suppléments :
- LE VENIN DE FULCI par Jean Sorel et Anita Strindberg
- LE VENIN DE LA PEUR par Lionel Grenier du site luciofulci.fr, Olivier Père, Jean-François Rauger, Alain Schlockoff et Christophe Gans
- LES VIES DE LUCIO FULCI par Lionel Grenier
- LE VENIN DES CENSEURS par Lionel Grenier
- LES VERSIONS DU VENIN
- SCÈNE SUPPLÉMENTAIRE
- GÉNÉRIQUES AMÉRICAINS ET ITALIEN
- LE VENIN DE LA PEUR EN MODE VHS
- FILMS ANNONCES (AMÉRICAIN ET FRANÇAIS)
- GALERIE PHOTOS
Pour une durée de près de trois heures, l’éditeur a eu la bonne idée de choisir des intervenants aussi variés qu’intéressants et de ne pas se contenter de fans de Fulci.
Outre les interventions pertinentes de Lionel Grenier, la présence de Jean Sorel et d’Anita Strindberg apporte une touche nostalgique à l’ensemble : les deux interprètes, qui n’avaient plus beaucoup de souvenirs du Venin de la peur étant donné que les films étaient tournés à la chaîne, se remémorent plutôt leur séjour en Italie et les conditions de tournage de l’époque. Les interventions d’Olivier Père, de Jean-François Rauger, d’Alain Schlockoff et de Christophe Gans (38 min. pour le réalisateur !), autrement dit des pointures du milieu cinématographique, achèvent de donner à l’ensemble une grosse crédibilité.
En plus des interviews, mises en valeur par un joli scope et qui constituent le gros morceau des suppléments, nous avons également droit à divers modules qui abordent la filmographie de Lucio Fulci, les différentes versions du Venin, ainsi que la censure qui a eu la main lourde, les rêves érotiques et la scène des chiens éviscérés ayant choqué plus d’une personne lors de la sortie du film ! Petit plus de cette édition : la version VHS française non restaurée, à regarder de préférence lors d’une soirée pizza-bières entre potes.
La B.O. complète d’Ennio Morricone (de plus d’une heure), qui épouse parfaitement les contours oniriques du film, constitue la troisième galette. On appréciera la présence d’un tel supplément, aussi rare que précieux.
Un livret composé de photos d’exploitation et d’une interview du réalisateur (menée par Robert Schlockoff pour L’Écran Fantastique en 1980) est enfin offert à ceux qui auraient commandé directement sur le site de l’éditeur. La quantité et la qualité des suppléments font donc de cette édition, définitive, un must à posséder d’urgence !
L’image :
Le venin de la peur n’avait bénéficié jusqu’à présent que d’éditions moyennes ou correctes, la meilleure étant celle d’Optimum, même si la colorimétrie tirait trop sur le bleu. L’édition HD collector du Chat qui fume enterre tout ces vieux DVD. Le travail de restauration effectué redonne une nouvelle vie au film de Fulci. Les couleurs, notamment le rouge, sont éclatantes, le piqué précis, le grain bien présent mais subtil, et surtout aucune trace de réducteur de bruit. Quelques scènes sous-éclairées présentent une définition moindre, mais globalement c’est un superbe travail de restauration, surtout pour un film de 1971.
Le son :
Trois pistes différentes sont proposées en DTS HD mono d’origine : italien, anglais et français. Le doublage français semble daté et la piste un peu plus étouffée, on privilégiera la version anglaise (sachant que le film se passe à Londres et que deux grands acteurs anglais, Stanley Baker et Leo Genn, sont présents dans le film), plus ample et qui a le mérite de bénéficier d’un très bon doublage (réalisé en Angleterre donc), chose assez rare pour une coproduction européenne. La version italienne est également très précise et claire. Dans tous les cas, l’audio bénéficie lui aussi d’une belle restauration, qui sait mettre en avant les dialogues et la superbe musique de Morricone, à la fois inquiétante et onirique.
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