Goncourt 1995

L’héritage dont il s’agit ici est celui d’une langue et d’une culture, celles de la France, transmises par Charlotte, la grand-mère parisienne du narrateur. France irréelle, fantasmée à travers quelques photos et coupures de journaux, où l’on ne se nourrirait que de "bartavelles et ortolans truffés rôtis". En grandissant, le jeune homme désirera violemment cette France mythique, puis la rejettera et finalement l’adoptera. Largement autobiographique, ce roman triplement primé [1] s’ancre de manière émouvante dans la réalité russe, magnifiquement dépeinte dans un village de Sibérie. Construit comme une énigme, il révèle à petit pas les tragédies de la vie de Charlotte, que Makine relate dans cette langue qui était celle de sa grand-mère, si classique qu’elle apparaît presque surannée. Ce qui lui a valu à sa sortie des critiques plutôt acerbes, bien injustifiées à l’égard de ce roman empreint de nostalgie qui, s’il ne révolutionne pas la littérature, témoigne de la richesse que peut apporter l’appartenance à une double culture.