La mélodie du bonheur
Le 28 décembre 2009
Le réalisateur d’Orgueil et préjugés et Reviens-moi confirme son talent dans une fable à la trame classique, mais embellie par des trouvailles originales et un duo d’acteurs magistral.


- Réalisateur : Joe Wright
- Acteurs : Catherine Keener, Jamie Foxx, Robert Downey Jr.
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Américain, Britannique
- Date de sortie : 23 décembre 2009

L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h57mn
– Titre original : Soloist
Le réalisateur d’Orgueil et préjugés et Reviens-moi confirme son talent dans une fable à la trame classique, mais embellie par des trouvailles originales et un duo d’acteurs magistral.
L’argument : Steve Lopez est dans une impasse. Le journal pour lequel il travaille est en pleine crise, son mariage est un échec, et le temps où il aimait son métier de journaliste est bien loin. Et puis un jour, dans la rue, il entend de la musique. Un étrange vagabond, Nathaniel Ayers, joue de toute son âme, et même si son violon n’a que deux cordes, une émotion unique surgit. Pour Steve, l’étonnant violoniste est d’abord un bon sujet pour sa chronique, et il va peu à peu percevoir tout le mystère qui entoure ce personnage. Le journaliste décide de sortir Ayers de la rue et de le rendre au monde de la musique. Alors qu’il s’acharne à sauver la vie de ce sans-abri hors norme, Steve Lopez se rend peu à peu compte que c’est finalement Ayers qui, à travers sa passion dévorante, son obstination à rester libre et ses tentatives courageuses pour nouer des liens avec les autres, va profondément le changer...
Notre avis : C’est une belle histoire comme il en arrive si peu dans la vie et tant au cinéma : un talent contrarié, virtuose de l’archet qui promène une carcasse de violon sous les ponts, est repéré et sauvé par un héros ordinaire qui s’improvise ange gardien. Jusque-là, rien de très nouveau, et l’on pourrait craindre que Le soliste, à l’approche des fêtes de Noël, ne soit qu’un pansement de plus sur les plaies sociales d’un monde occidental pétri de culpabilité envers tous ceux qu’il exclut de son propre modèle de consommation. Et pourtant, Joe Wright réussit à insuffler à ce conte moderne dans l’ensemble assez prévisible un élan d’originalité et de sincère humanité, en apportant son doigté personnel et en concentrant l’attention sur les thèmes qui le préoccupent. Il prend au sérieux tout autant la complexité du personnage de Nathaniel (entre génie musical visionnaire et schizophrénie délirante) que sa misère matérielle, ce qui aboutit à des expérimentations éparses, insérées au cœur du storytelling le plus classique, et qui tendent parfois vers des pôles opposés, passant de la tentative d’illustrer (littéralement) la musique en couleurs, à des séquences quasi-documentaires sur la réalité morbide des rues de Los Angeles... L’habileté du cinéaste consiste à ne jamais renoncer à glisser dans le concert général une note plus surprenante, tout en s’effaçant suffisamment pour accorder toute la place à ses personnages.
- © DreamWorks Pictures
Car Le soliste est avant tout un film d’acteurs, et de deux comédiens dont on ne doute désormais plus qu’ils occupent une place majeure dans le cinéma américain d’aujourd’hui. Jamie Foxx et Robert Downey Jr. réussissent à s’installer dans des rôles apparemment déjà connus (le musicien swinguant entre paradis et enfer de Ray pour le premier, le journaliste en pleine crise de la quarantaine de Zodiac pour le second), mais en les orientant dans une voie entièrement différente, qui fait rapidement oublier à quels comédiens nous avons affaire. Certes, on peut se demander si tant de droiture et de générosité sont les reflets adéquats de la société américaine, dans un film qui se veut en partie un cri d’alarme sur les conditions de vie de toute une partie de la population, et l’écart entre riches et pauvres ; mais les valeurs de respect et de dignité sont portées ici avec une conviction si sobre que l’on pardonne assez aisément à ce duo. Un bémol cependant, au milieu de ce chœur des anges : en restant sur le terrain du politiquement correct et du classicisme consensuel, le récit évite soigneusement de se prononcer concrètement sur les problèmes qu’il est censé aborder de plain-pied (la pauvreté, l’exclusion, la gestion urbaine...) et se restreint à un constat sombre mais parfois mou, quand certains moments auraient nécessité un coup de fouet revendicatif. C’est peut-être là la faiblesse de Wright : s’il parvient à créer une empathie entre les deux héros et surtout entre eux et le spectateur, reste à trouver le moyen de prolonger cette émotion qui fera nous souvenir que les morceaux de carton en guise de maison ne se trouvent malheureusement pas qu’au cinéma.
- © StudioCanal