De l’impossibilité d’une île
Le 2 avril 2020
Entre vaudeville et robinsonnade nostalgique, cette comédie douce-amère n’a rien perdu de son charme corrosif grâce à son rythme enlevé et à un tandem d’acteurs éblouissant.
- Réalisateur : Jean-Paul Rappeneau
- Acteurs : Catherine Deneuve, Yves Montand, Vernon Dobtcheff, Luigi Vannuchi, Tony Roberts , Bobo Lewis, Dana Wynter, Gabriel Cattand
- Genre : Comédie, Aventures, Romance
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h43mn
- Reprise: 14 novembre 2018
- Date de sortie : 26 novembre 1975
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– Sortie en version restaurée : 14 novembre 2018
L’argument : Nelly est une femme à ennuis. A la veille de son mariage avec un bellâtre de la colonie italienne de Caracas, elle change d’avis et prend la fuite. Poursuivie par cet amoureux tenace, elle fait irruption dans la vie de Martin, un baroudeur solitaire et bourru qui occupe la chambre voisine dans l’hôtel où elle s’est réfugiée. Ce dernier, forcé de venir en aide à cette furie, doit semer le prétendant déçu, puis un ancien amant à qui Nelly vient de voler un tableau ! Ayant réussi à mettre la jeune femme dans un avion, Martin se retire sur une île déserte des Caraïbes où il mène depuis longtemps une vie tranquille. A son arrivée, il a la surprise d’être accueilli par Nelly...
Notre avis : Comme les comédies de l’âge d’or hollywoodien auxquelles il rend hommage, Le Sauvage doit beaucoup à son tandem d’acteurs principaux et à l’éventail de registres virtuoses qu’ils déploient tour à tour. Deneuve, toujours adroite dans le registre de la dissimulation bourgeoise, excelle dans le rôle de Nelly, une jeune femme que son mari veut contraindre à assumer ses engagements conjugaux. Montand, quant à lui, déborde de charisme en incarnant Martin, homme bourru et solitaire qui aspire à l’autarcie et cherche à s’épargner la douleur que peuvent causer les sentiments. Un peu comme dans une pièce de Marivaux, l’insularité permet ici l’apprentissage difficile de la courtoisie et du langage de l’amour entre les deux protagonistes (grande finesse des dialogues, coécrits avec Elisabeth Rappeneau et Jean-Loup Dabadie). Mais on songe surtout à l’esthétique du mélodrame et à celle du vaudeville, largement invoquées par le comique rocambolesque de certaines situations, le rythme enlevé de la mise en scène et la musique lyrique de Michel Legrand, qui communiquent au spectateur un sentiment diffus mais tenace d’euphorie et de légèreté.
Derrière cette apparente désinvolture, Le Sauvage propose également une réflexion plus amère sur la difficulté à s’affranchir des responsabilités que nous impose la société civile. Car Nelly, comme Martin, échouent tous deux à combler les attentes de leur entourage. Loin de constituer un refuge, le petit monde artificiel inventé par les héros est l’objet d’une surveillance permanente et porteur de lourds enjeux financiers. Les dernières séquences, magistrales, redisent alors l’impossibilité de cette île et peut-être, du théâtre des sentiments qu’elle déploie, comme si le petit jeu de l’amour n’avait été qu’une parenthèse illusoire. Dans un contexte de méfiance à l’égard des utopies et de leurs possibles dérives, on ne peut que saluer la ressortie de ce drame flambant neuf, servi par une impeccable copie numérique, et qui témoigne avec force du talent de Jean-Paul Rappeneau pour filmer des situations grandioses et magiques.
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