Le 28 mars 2015
Stéphane Batut signe un documentaire inégal sur un sujet fort qui ne peut que nous interroger.


- Réalisateur : Stéphane Batut
- Genre : Documentaire, Court métrage
- Nationalité : Français
- Durée : 40mn
- Date de sortie : 15 avril 2015

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Stéphane Batut signe un documentaire inégal un sujet fort et qui ne peut que nous interroger.
L’argument : L’été 2009, je voyage dans une région tibétaine de la Chine, le Kham. Le hasard me donne l’opportunité d’assister à une cérémonie funéraire unique, où le corps du défunt est offert en pâture aux vautours. Je décide de filmer cette épreuve qu’il me semble nécessaire de vivre. Questionner ma condition de touriste, d’étranger, finalement d’être humain. Ce à quoi j’assiste, appelle des images d’une telle puissance mythique et existentielle qu’un lien profond peu à peu m’attache à ces hommes et à leurs gestes immémoriaux.
Notre avis : le film est constitué par un dispositif singulier : le réalisateur et un tibétain commentent les images « en direct », ou à peu près, en une fausse improvisation plus ou moins inspirée. Face à une cérémonie obscure pour nous, l’un questionne et l’autre explique. Ce dispositif, s’il fournit des informations précieuses, n’échappe pas à des trous, des approximations, et, pour tout dire, à des banalités consternantes. Certes, on n’attendait pas un traité philosophique sur la mort et le deuil, mais dès que le regard disons ethnologique s’efface, on n’a plus qu’une conversation sans rythme et des images vides.
Reste évidemment la cérémonie elle-même, qui nous interroge sur le sens que nous donnons au deuil ; c’est que, contrairement aux rites occidentaux qui camouflent le corps, ici, l’homme, ou la femme en l’occurrence, se réduit à un amas de viande, « généreusement » offert aux vautours. Le spectateur ne peut qu’être fasciné par cette différence radicale de culture et ce qu’elle peut toucher en nous d’intime. On est d’autant plus gêné que ce rite soit devenu un spectacle touristique, et, par contre-coup, c’est notre place qui s’avère inconfortable. Le réalisateur a payé son droit d’assister à la cérémonie, il nous y entraîne : mais que cherchent nos regards ? Un savoir nouveau, un spectacle un peu gore, une émotion neuve ? Difficile d’échapper à l’impression de voyeurisme quand nos yeux tentent de discerner le corps sous le groupe de vautours ou quand une femme décédée est déshabillée.
© JHR Films
Stéphane Batut fait du cinéma à la première personne, y va de ses souvenirs intimes, comme son interlocuteur. Là encore, on peut être touché ou agacé par cette irruption préparée (les images sont raccord) et relativement incongrue. Mais au fond, Le Rappel des oiseaux pose à nouveau les questions classiques du documentaire, celles qui, de Flaherty à Rouch, ne cessent de relancer la réflexion sur l’image. Si sa réponse donne un résultat inégal, il a au moins le mérite de nous pousser à nous interroger à la fois sur un thème que l’on préfère le plus souvent éviter, et sur notre statut de spectateur-voyeur.