Plus que parfait
Le 5 septembre 2005
Lauréat du Prix Herralde 2003, Alan Pauls a écrit une histoire de l’amour malade. Sans rémission possible. Mais pas sans humour.
- Auteur : Alan Pauls
- Editeur : Christian Bourgois
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Argentine
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Lauréat du Prix Herralde 2003, Alan Pauls a écrit une histoire de l’amour malade. Sans rémission possible. Mais pas sans humour.
Sofía aimait Rímini, Rímini aimait Sofía. Les histoires d’amour s’écrivent souvent à l’imparfait, celle que raconte Alan Pauls n’y déroge pas et mériterait, pour tout dire, le plus-que-parfait. Enfin, pas l’histoire d’amour, froide, morte, mais la façon dont Pauls l’écrit sur plus de 600 pages en de longues phrases, entre de larges parenthèses parce qu’un amour étouffant comme celui de Sofía, il faut bien tenter de l’étouffer, de le mettre à l’écart. Rímini a essayé - séparation après douze ans d’amour en bulle, liaisons avec d’autres femmes (Vera rongée par la jalousie, Carmen dévorée par Sofía, Nancy vidée par sa vie bourgeoise), cocaïne, masturbation... En vain.
On se branle beaucoup dans Le passé, férocement. On y baise moins, et tristement, mais le corps est partout. Corps vieilli, rajeuni, changé, drogué, saigné. Corps de Rímini irrésistiblement attiré par celui de Sofía, deux corps faits l’un pour l’autre, une œuvre d’art, même, dit Sofía, art inquiétant, dérangeant, malade à l’image du Sick Art du peintre Jérémy Riltse dont le destin suicidé accompagne celui des deux amants. Un artiste descendu au fond de ses entrailles jusqu’à se fracasser sur le désir d’agrafage de ses propres organes sur ses tableaux, Riltse, anagramme d’Eltsir, le peintre de la Recherche du temps perdu, car on ne peut écrire un tel livre sans en référer à Proust.
Alors évidemment, dans la vie de Rímini, il y a une madeleine, sans prénom, Mlle Sanz, sa maîtresse d’école, son éveil au corps, troublant et si vite troublé, enfoui et resurgi dans ce passé où le temps, lui qui s’était fait l’allié de Sofía et Rímini, s’est définitivement figé. Et les allers et venues dans l’imparfait de la mémoire de Rímini, dans des mouvements et des références qui témoignent de la passion d’Alan Pauls pour le cinéma et qui couvrent l’Argentine de ces trente dernières années, conduisent tous vers une fin écrite d’avance, une épigraphe tirée de Gradiva, de Jensen, que la drôlerie du roman parvient souvent à nous faire oublier : "Je me suis depuis longtemps habituée à être morte."
Alan Pauls, Le passé, (el pasado, traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou), éd. Christian Bourgois, 2005, 656 pages, 27 €
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