Le manga s’expose au British Museum.

Depuis son acclimatation au milieu des années 1990, le manga est devenu un segment important du marché de la bande dessinée en Europe, au point d’apparaître comme un véritable phénomène culturel et générationnel. Sobrement intitulée Manga, l’exposition dévoile les principaux ressorts de cette culture. Pour ce faire, le British Museum s’est donné les moyens de ses ambitions : l’exposition s’étale sur plus de 1 000 mètres carrés et met en évidence une cinquantaine d’artistes. Il s’agit de la plus grande exposition consacrée au manga située en dehors du Japon.

Manga s’adresse aussi bien aux néophytes qu’aux lecteurs avertis. Le début du parcours explicite de manière très pédagogique la méthode de lecture du manga – qui se lit de droite à gauche, obligeant le lecteur européen à une certaine gymnastique –, en prenant des exemples concrets. L’exposition met également en évidence la méthode de production industrielle du manga en présentant les grandes maisons d’édition, les publications en périodiques et le rôle central des éditeurs. De courtes vidéos très éclairantes de responsables éditoriaux sont d’ailleurs présentées au public.

Le guerrier Wiyamoto Musashi domptant une baleine, par Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), dessin sur bois

Le principal point fort de « Manga » réside dans son parcours historique. En effet, l’exposition met en évidence la longue tradition nipponne du dessin séquentiel. Comme le met en évidence Adam L.Kern dans le catalogue qui accompagne l’exposition, les premières bandes dessinées apparaissent au Japon un siècle avant l’Europe et les États-Unis par l’intermédiaire de gravures sur bois. L’artiste le plus connu de cette période est sans conteste Katsushika Hokusai (1760-1849). S’il n’est pas le premier à s’adonner à cet art, les dessins d’Hokusai sont passés à la postérité. Par la suite, le manga japonais a été influencé par les productions européenne et étasunienne. Cette influence culmine avec l’occupation américaine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C’est dans ce contexte qu’émerge la figure de Tezuka (1928-1989), surnommé le « Dieu du manga », qui est profondément influencé par la production de Disney. D’autres figures, à l’image du maître du gekiga Tsuge, sont également mises en évidence dans le parcours.

Après un détour par une bibliothèque qui donne à lire des manga en japonais et dans leurs traductions anglaises, le parcours muséographique se focalise sur les différents genres, depuis le sport jusqu’à la romance en passant par la science-fiction. Chaque thème est illustré par un ou plusieurs titres représentés par des planches originales. On découvre de cette manière des planches de One Piece, Naruto, Golden Kamui, Captain Tsubasa… Un plateau cinq étoiles. C’est d’ailleurs l’une des grandes qualités de cette exposition que de rendre accessible au public européen des dessins de certains des plus grands maîtres de la bande dessinée nipponne, puisque outre les titres précédemment cités, l’exposition nous gratifie également de planches d’Inoue (Vagabond), d’Araki (Jojo’s Bizarre Adventure), de Tatsumi (Une vie dans les marges) et du maître Tezuka (Astro Boy)…

Enfin, l’exposition consacre plusieurs espaces à l’anime à travers la projection d’œuvres du fameux Studio Ghibli, ainsi qu’à la culture cosplay, que l’on connaît en France par l’intermédiaire de Japan Expo et autres conventions dédiées au manga.

Si l’inévitable espace merchandising apparaît envahissant, l’exposition est dotée d’un catalogue d’excellente facture, qui comprend des articles de qualité et de très belles reproductions. Un seul bémol : le prix d’entrée, fixé à £ 20, ce qui risque de dissuader les petits budgets et les familles. À l’inverse, « Manga » intéressera aussi bien le néophyte que l’érudit grâce à la variété de ses approches.

Les informations relatives à l’exposition sont disponibles sur le site du British Museum. Le vénérable musée a également eu la bonne idée de mettre sur son blog des articles de bonne qualité sur l’histoire et le genre du manga.