Le journal de David Holzman - la critique

– L’argument : David Holzman, jeune New-yorkais, vient de perdre son travail et se retrouve apte pour le Vietnam. Il décide de filmer son quotidien pour comprendre sa vie, les femmes, le sexe et l’Amérique et de capter sur pellicule la vérité de ce qui l’entoure. Mais cela ne sera pas sans incidence sur sa vie et celle de Penny sa petite amie...

– Notre avis : Rarement diffusé, ce film culte a été présenté dans quelques festivals ainsi qu’au Ciné-Club de l’ORTF, avant de connaître une sortie dans les salles françaises en juillet 2011. Fan de la Nouvelle Vague et de Godard, explicitement cité dans une séquence, Jim McBride réalise un faux journal introspectif, symptomatique des « documenteurs » que signeront Agnès Varda puis nombre de cinéastes depuis une dizaine d’années. Ces neuf jours de la vie d’un jeune homme tentant de mettre en journal cinématographique sa vie personnelle pourraient en effet laisser croire à un autoportrait : celui d’un artiste intellectuel new-yorkais, largué par sa petite amie lasse de son voyeurisme obsessionnel, nargué par un ami peintre lui faisant observer que sa vie « n’est pas un très bon script », et dont la caméra baladeuse scrute les recoins des rues de Manhattan, en quête de personnages insolites ou d’opportunités de filmage, à l’instar de ce travesti volubile ou de cette jeune femme effrayée d’être suivie à la sortie du métro. Les travellings urbains ne sont pas sans évoquer À bout de souffle, référence également manifeste dans le traitement des rapports entre David et Penny, substituts américains de Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg. Il n’est alors pas surprenant de comprendre rétrospectivement comment Jim McBride réussira à obtenir l’accord de Godard pour réaliser le remake À bout de souffle made in USA (1983), avec Richard Gere et Valérie Kaprisky. Il serait pourtant réducteur de faire de ce journal un simple ersatz de la démarche esthétique française. On est frappé par la liberté et l’originalité de ton, tant au niveau de montage que des allusions à la sexualité, annonciatrices de l’esprit libertaire de mai 68, sans céder pour autant aux sirènes de l’air du temps. Seuls le John Cassavetes de Faces et Flesh d’Andy Warhol et Paul Morissey peuvent soutenir la comparaison avec ce radicalisme créatif dans le cinéma américain des années 60. On peut alors regretter que l’auteur n’ait poursuivi sa veine que dans un moyen métrage tout autant jubilatoire (My girlfriend’s weddin, 1969), avant d’explorer d’autres voies dont la série B décalée (The Big easy, 1986).