Woks, triades et arts-martiaux
Le 21 juillet 2021
Sans être à la hauteur des films majeurs de Tsui Hark, Le Festin chinois s’impose comme une comédie culinaire joyeusement toquée, au mauvais goût assumé et à l’audace rafraîchissante. À consommer donc sans modération.
- Réalisateur : Tsui Hark
- Acteurs : Leslie Cheung, Chiu Man-cheuk, Kenny Bee, Hung Yan-yan, Anita Yuen
- Genre : Comédie, Romance
- Distributeur : Mary-X Distribution
- Durée : 1h40mn
- Reprise: 21 juillet 2021
- Titre original : 金玉滿堂 (The Chinese Feast)
- Date de sortie : 28 janvier 1998
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Résumé : Afin de pouvoir émigrer au Canada, un jeune mafieux hong-kongais doit obtenir un diplôme de cuisinier. C’est ainsi qu’il atterrit dans un grand restaurant qui s’apprête à disputer un grand tournoi culinaire.
Critique : En 1994, Tsui Hark acceptait la proposition de Mandarin Films, récemment créé par le célèbre producteur Raymond Wong, de réaliser deux longs-métrages pour le Nouvel an chinois. L’année 1996 commencera donc avec Tristar et l’année 1995 avec Le Festin chinois, qui reste encore aujourd’hui, avec le très goldonesque Twin Dragons (1992), sa collaboration avec Jackie Chan, l’un des plus gros succès du cinéaste au box-office.
- Copyright : Mandarin Films
Et pour cause : délaissant la veine souvent provocatrice de ses premières réalisations, Tsui Hark signe avec ce long-métrage une comédie familiale réunissant le couple qui s’était illustré l’année précédente dans le film He’s a Woman, She’s a Man de Peter Chan, Anita Yuen et Leslie Cheung. Tant s’en faut cependant que le long-métrage soit un échec artistique, et, même s’il ne s’agit résolument pas d’un opus majeur de sa filmographie, son intention de réaliser un divertissement conçu pour plaire au plus grand nombre, n’aura pas eu raison de son originalité.
S’inscrivant dans l’héritage d’un Tampopo, le cinéaste a ainsi concocté une recette dont lui seul a le secret et dans laquelle il réussit à touiller, en un mélange sucré-salé, la parodie de comédies romantiques, les scènes de slapstick policier et les duels culinaires : la rééducation d’un ancien chef déchu témoigne à elle seule du nombre impressionnant de registres que le film enchaîne. La sauce était certes compliquée à lier et certaines plaisanteries un peu grasses pourront sembler à certains difficiles à digérer, mais Tsui Hark a su imposer à son long-métrage un rythme effréné qui ne peut qu’emporter le spectateur.
- Copyright : Mandarin Films
La véritable réussite du Festin chinois réside surtout dans la manière saisissante dont le réalisateur filme les scènes de cuisine. Car, s’il n’est pas le premier à associer arts de la table et arts martiaux, ainsi qu’en témoigne Shogun & Little Kitchen (1992) de Ronny Yu, il apporte son grain de sel en parvenant à établir entre eux une manière de continuum : il impose ainsi chez son spectateur l’idée que la restauration nécessite un entraînement intensif aussi bien mental que physique, faisant de la préparation des plats une véritable chorégraphie, dans laquelle sabres et hallebardes ont cédé la place aux baguettes et aux spatules.
De même, comme dans les traditionnels kung fu movies, la gastronomie dispose de ses techniques secrètes jalousement gardées par des grands maîtres et perpétuées, sous le sceau du secret, de génération en génération. Et deux des chefs du film sont tout naturellement incarnés par des artistes martiaux, Chiu Man-chuk et Hung Yan-yan, qui livrent derrière les fourneaux un avant-goût du duel mémorable qu’ils interpréteront, la même année, dans le final de The Blade .
- Copyright : Mandarin Films
Et, si rares sont les séquences agrémentées des effets de lumière et des filtres de couleur qui ont fait sa marque de fabrique, on reconnaît tout de même l’inventivité du réalisateur lors des scènes d’affrontements culinaires où, dans une libre interprétation du "Banquet mandchou et han" de l’époque Qing, les personnages doivent cuisiner des pattes d’ours à la neige, des cervelles de singe crues ou des trompes d’éléphant glacées.
D’autant que le réalisateur ne reprend l’opposition traditionnelle des films d’arts martiaux entre le nord et le sud que pour mieux exprimer l’angoisse qui, au moment de la sortie du film, étreignait les Hongkongais face au spectre de la rétrocession : car mettre en scène la lutte entre des maîtres de la cuisine cantonaise et un chef venu du continent pour racheter leurs restaurants, c’était alors une manière d’inviter le public à se préparer à mener une résistance, certes courtoise et dans les règles, mais sans concession contre l’administration de la Chine populaire, prête à s’installer dans l’ancienne colonie britannique.
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