Le 11 mars 2020
Ce documentaire passionnant nous brosse un portrait intimiste et lumineux de l’acteur et metteur scène Laurent Terzieff, disparu il y a bientôt dix ans. Ce dernier a brillé tant sur les planches que devant la caméra, embrassant une carrière d’une exceptionnelle longévité.
- Réalisateur : Jacques Richard
- Acteurs : Fabrice Luchini, Laurent Terzieff, Michael Lonsdale
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films de Chaillot
- Durée : 1h56
- Date de sortie : 9 septembre 2020
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Résumé : Le Fantôme de Laurent Terzieff est un vaste portrait de l’acteur Laurent Terzieff dont le talent et le jeu si particulier ont séduit un public fidèle pendant plus de cinquante ans. Laurent Terzieff était plus qu’un bon comédien : après avoir été une véritable "star" au cinéma, par ses choix professionnels, il est devenu peu à peu, une véritable " conscience du théâtre ", tant il avait réfléchi à son art. Il reçoit six Molière et fut unanimement salué par ses pairs. Le Fantôme de Laurent Terzieff est un portrait audacieux, tant il explore en profondeur " les secrets d’une âme " et le parcours atypique du comédien.
Notre avis : Le documentaire s’ouvre sur "Enivrez-vous" de Charles Baudelaire, poème en prose, issu du Spleen de Paris, et récité par Laurent Terzieff :
"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous."
Ce choix liminaire n’est pas anodin : le comédien se nourrissait de la beauté immatérielle de la poésie, quotidiennement.
Le documentaire Le Fantôme de Laurent Terzieff est ponctué de propos de l’intéressé et de témoignages pléthoriques, captivants du début à la fin. Nous pouvons dire que Terzieff est objectif lorsqu’il parle de lui-même, car il le fait toujours sans une expressivité extrême, mais avec une humilité louable.
Les grands étapes de la vie artistique de l’acteur sont évoquées : tout démarre vraiment avec Les Tricheurs de Marcel Carné (1958), qui le révèle au grand public et tout particulièrement à la jeune génération qui se reconnaît en lui. Déjà, des fans lui réclament déjà des autographes, mais c’est un exercice qu’il refusera systématiquement. Le propos égrène sa riche filmographie (pas moins de cinquante films), retenant particulièrement La luxure de Jacques Demy (1961), La voix lactée réalisé par Luis Buñuel (1969) - réalisateur dont Cocteau dira "Il n’est pas le premier, il n’est pas le deuxième, il est l’unique" -, ou encore Les culottes rouges de Alex Joffé (1962). Concernant A cœur joie (1967) de Serge Bourguignon, Terzieff avoue, sans concession, avoir pris "beaucoup de plaisir à jouer avec Brigitte Bardot, mais dans un navet". Il qualifie B.B. de "mythologie des années années 60" mais, selon lui, elle a été prise au piège "dans sa starification". Sont également mentionnés les films italiens, dont Ostia de Citti écrit et produit par Pasolini. Le documentaire se souvient aussi de la place notable occupée par l’acteur dans Détective de JLG (1985). On apprend enfin que Terzieff s’offre le luxe de refuser, signe de sa notoriété et de beaucoup de sollicitations, deux rôles à Louis Malle, dont Viva Maria.
L’autre volet du film est l’engagement politique, à travers la signature du Manifeste des 121, publié en septembre 1960, qui témoigne de l’implication de Terzieff en faveur de l’indépendance algérienne. Ce geste risqué vaudra les foudres d’André Malraux. Le comédien regrettera cependant d’avoir soutenu certaines causes : "J’ai cru au marxisme, j’ai cru au collectivisme" dira-t-il, avouant avoir été dupé.
Par ailleurs, sa vie personnelle fait l’objet d’une attention particulière, puisque le documentaire évoque la rencontre avec Pascale de Boysson, en 1961, qui constitue un des moments-clés d’une vie amoureuse et professionnelle. Elle est son aînée. Ils se complètent : il a besoin de sa légèreté et elle a besoin d’être encadrée. Ils fondent ensemble la compagnie Laurent Terzieff.
Enfin, le théâtre, évidemment, occupe une large part : en 1988, l’artiste obtient le Molière de la mise en scène et le Molière du théâtre privé pour Ce que voit Fox. Il prononce alors un éloge magnifique : "Ce qui se déroule ce soir reflète le théâtre dans sa diversité, dans sa pluralité ; en effet, je crois depuis toujours que le théâtre, ce n’est pas ceci, ou cela : c’est ceci et cela", dira-t-il pour signifier sa gratitude.
Le documentaire souligne que Laurent Terzieff est un metteur en scène dirigiste, même pour un simple geste, suscitant parfois l’exaspération. Mais c’est une sorte de mysticisme qui imprègne son art, comme l’attestent deux jugements qu’il exprime : "Le théâtre n’existerait pas sans auteurs" "mettre en vie en vie un texte, le réinventer sur un plateau". Le comédien a eu pour père un sculpteur et n’est-il pas lui-même "un sculpteur de l’invisible" ?
A partir des années 80, on le sait, Terzieff privilégie de plus en plus la scène.
Il semble adopter une "forme d’ascétisme" qui correspond à une transformation physique : ses traits de visage, tout comme sa silhouette, ne cessent de s’émacier.
La cause ? Il est sujet à des crises d’anorexie : la première survient suite à la disparition de sa sœur aînée Odile, son initiatrice à l’éveil théâtral.
En 2010, blessé au poignet et affaibli, l’acteur a l’immense privilège de se voir récompensé amplement lors des Molières : il déroche le trophée du comédien pour deux rôles différents dans L’Habilleur (qui lui vaut également le Molière du théâtre privé) et Philoctète.
Il meurt le 2 juillet 2010. Les images de son enterrement sont reprises dans le documentaire, sur la célèbre musique de Georges Delerue qui ouvre le film Le mépris de Jean-Luc Godard.
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