Freud à la sauce aigre-douce
Le 26 novembre 2003
Il est des romans qui demeurent des mystères littéraires dont on ne trouve pas la clé, Le complexe de Di est de ceux-là.


- Auteur : Dai Sijie
- Editeur : Gallimard, Folio
- Genre : Roman & fiction
- Prix : FÉMINA

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Avec Le complexe de Di, la preuve est faite, une fois encore, qu’un prix littéraire, ici le Femina, n’est pas nécessairement le gage d’un grand moment de littérature. D’emblée, titrer son roman à partir d’un fumeux jeu de mots sur le complexe d’Œdipe, nous donne la tonalité générale : Dai Sijie se place du côté de l’humour, limite farfelu et loufoque. Il flirte certes parfois avec la comédie et peut même arracher quelques sourires, mais l’ensemble reste mou et lent...
Dès les premières lignes, l’idée de passer plus de trois cents pages en compagnie de Muo est décourageante. Cet exilé chinois, myope et puceau de surcroît, est de retour dans son pays après avoir étudié la psychanalyse pendant dix ans en France. Fervent disciple de Freud et Lacan, Muo se donne pour mission de libérer son premier amour, Volcan de la Vieille Lune, emprisonnée sur les ordres du juge Di pour des photos interdites. Ce dernier exige, en échange de cette libération, que Muo lui fournisse une jeune vierge. Sa quête le mènera à travers une Chine métamorphosée, mais encore fortement marquée de maoïsme, et qui ne voit en lui qu’un diseur de bonne aventure.
Se proposer d’entamer une psychanalyse de la Chine est audacieux, et aurait mérité d’autres développements que des aventures délirantes, des pseudo-analyses de rêves publiques et les péripéties cocasses d’un Don Quichotte prétentieux. Car, au-delà du style ennuyeux et laborieux de Dai Sijie et des aventures rocambolesques de Muo, se dessine une critique des mœurs de la Chine contemporaine et de sa corruption latente. Cet instantané d’une Chine qui s’ouvre progressivement à l’économie de marché et à d’autres cultures aurait mérité d’être plus virulent et moins maladroit. Mais l’écriture de Sijie, peut-être trop respectueuse et déférente à l’égard de la langue et la culture françaises, est encore trop empreinte de naïveté, à l’image de son héros.
Dai Sijie, Le complexe de Di, Gallimard, 2003, 363 pages, 21 €