Le 25 octobre 2018
- Genre : Cinéma
Un livre épais, facilement lisible, qui recense avec une précision amoureuse mais une organisation boiteuse les longs-métrages sortis de 1958 à 1967.
Notre avis : Francis Goubel n’est pas critique, ni théoricien, ni universitaire (du moins pas dans le domaine qui nous intéresse) : d’où un livre d’amateur, c’est à dire celui qui aime, sans jargon ni tissu de références. Ce n’est pas une thèse, mais une somme qui couvre presque exhaustivement dix ans de cinéma français. L’intérêt du projet n’échappera à personne, même si quelques problèmes apparaissent à la lecture : d’abord la structure (pratiquement) immuable et répétitive (le résumé, quelques mots d’appréciation pour chaque film). Plus important, la structure en semble artificielle : on mêle mouvements et genres avec un arbitraire qui se voit non seulement dans le fait que des métrages reviennent d’un chapitre à l’autre, mais encore par des choix curieux et non expliqués : par exemple, qu’est-ce que le « cinéma littéraire » ? Pourquoi y accueillir Bresson ? De ces catégories nous ne saurons rien, puisque F. Goubel ne les justifie jamais. De la même manière on aurait aimé que, de temps en temps, l’auteur quitte le « film à film » pour en tirer des généralités, prendre du recul, analyser des tendances ou faire des liens. Seule la dernière partie se résout à une réflexion transversale, notamment sur l’irruption de la jeunesse. Enfin, et on en termine avec les reproches, pour que ce livre devienne un outil facilement consultable, il aurait fallu que l’index renvoie aux pages concernées et permette d’y revenir.
- Editions de L’harmattan
Reste qu’on lira avec profit ce fort ouvrage qui permet de se replonger avec délices dans un passé que l’auteur a vécu mais qui reste pour la majorité des lecteurs un continent méconnu : bien sûr, on y retrouve Melville, Godard ou Resnais, mais ils sont numériquement de peu de poids face à l’avalanche de ce qui était encore le « cinéma du samedi soir ». Là, F. Goubel nous révèle avec un savoir encyclopédique et souvent de première main ce que l’histoire et la cinéphilie ont balayé : les comédies populaires (on avait oublié le nombre d’œuvrettes avec Darry Cowl ou Poiret et Serrault), les films à sketchs, les innombrables policiers (Eddie Constantine et sa gloire éphémère), autrement dit ce qui faisait l’ordinaire d’un peuple qui allait souvent dans les salles. Et le voyage vaut le détour : de nanar improbable en fausses audaces, on navigue dans une époque en pleine mutation, avec ses barrières morales chancelantes et une manière de passage de témoin.
Surtout, et heureusement, le livre donne envie de voir des films, beaucoup de films : les mauvais pour rire, et d’autres, beaucoup d’autres, parce que l’auteur en dit du bien. Goha, Une femme est passée, Un homme à abattre ou Les îles enchantées, par exemple, nous ont fait saliver et rêver. Et si l’auteur est moins original sur Resnais ou Truffaut, il a le mérite de mettre en lumière des cinéastes un peu dévalués comme Henri Calef, Michel Deville ou Pierre Etaix. Bien sûr, on ne sera pas toujours d’accord avec lui (son éloge ambigu de Robert Hossein) mais on ne lui reprochera pas une subjectivité bienvenue. D’autant qu’il manifeste une tendresse salutaire envers des « petits maîtres » savoureux comme Robert Dhéry et une sensibilité affirmée aux charmes de starlettes souvent oubliées.
On le voit, Le cinéma français de 1958 à 1967 ne manque pas d’atouts. Sagement écrit (on cherchera en vain flamboyances ou bons mots, hormis dans les citations amusantes de critiques), il a le grand mérite de faire un tour d’horizon précieux et accessible, panorama dont chaque lecteur tirera des enseignements et de furieuses envies de découvrir un nombre inouï de films. Se perdre dans ces 500 pages, c’est l’assurance d’un dépaysement érudit et stimulant.
Date de publication : 14 septembre 2018
Broché – Format : 15,5 x 24 cm
576 pages
Éditions L’Harmattan
Galerie photos
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