Le 11 avril 2019
Une fresque humaniste et poétique, d’une beauté inouïe, au cœur même de la forêt amazonienne où l’on pressent le souffle ethnologique de Claude Lévi-Strauss. Un choc cinématographique, bluffant et fascinant.


- Réalisateurs : João Salaviza - Renée Nader Messora
- Acteurs : Henrique Ihjãc Krahô,, Kôtô Krahô
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Brésilien, Portugais
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h54mn
- Titre original : Chuva é Cantoria na Aldeia dos Mortos
- Date de sortie : 8 mai 2019
- Festival : Festival de Cannes 2018

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Résumé : Ce soir, dans la forêt qui encercle ce village au nord du Brésil, le calme règne. Ihjãc, un jeune indigène de la tribu Krahô marche dans l’obscurité, il entend le chant de son père disparu qui l’appelle. Il est temps pour lui d’organiser la fête funéraire qui doit libérer son esprit et mettre fin au deuil. Habité par le pourvoir de communiquer avec les morts , Ihjãc refuse son devenir chaman. Tentant d’échapper à son destin, il s’enfuit vers la ville et se confronte alors à une autre réalité : celle d’un indigène dans le Brésil d’aujourd’hui.
Notre avis : La première séquence s’ouvre sur le visage d’un jeune chasseur indien. La lumière matinale éclabousse les feuilles et son corps. On le regarde chasser à travers la verdure dense, équipé d’une arme rudimentaire. En réalité, Ihjãc ne chasse pas les animaux sauvages. Il poursuit l’esprit de son père, récemment décédé, qui attend d’accéder au village des morts, à condition que son jeune fils fasse le deuil de sa disparition et revienne à sa propre vie.
On connaît ces traditions ancestrales, largement décrites par la littérature ethnographique, où le deuil se règle dans la richesse et l’euphorie, permettant ainsi à la personne disparue d’accéder à la vie éternelle et à la paix. Mais Le chant de la Forêt est bien plus que la description minutieuse des rites mortuaires dans une société tribale. C’est d’abord un récit initiatique, celui de ce très jeune couple qui doit maintenant prendre toute sa place dans le village forestier, qui doit cultiver ses propres terres et faire grandir leur jeune bébé, mystérieusement couvert de tâches noires sur le front.
- © Ad Vitam
Ihjãc dont le nom reconnu par l’état brésilien est Henrique, souffre. Il souffre d’un mal invisible qu’on nommerait dépression dans nos sociétés dites modernes. Il rapporte ce mal à son Maître Perroquet qui hanterait son esprit. Sous les conseils du guérisseur, il doit fuir en ville pour que l’esprit le laisse tranquille. Mais là-bas, on guérit. On rationalise. On aide les indigènes, certes, mais sans doute plus par culpabilité qu’intérêt profond pour la culture de ce peuple. D’ailleurs, les deux réalisateurs montrent avec brio les ruptures qui opposent ces deux univers. D’un côté, on est dans le monde des croyances animistes ; de l’autre, on est dans le monde de la technique, où, si on peut certes se laisser aller à quelques festivals déguisés, la rationalité de la pensée prime.
Pendant toute la durée du film, on est bluffé par le travail de réalisation. Les personnages de ce village jouent leur propre rôle. Mais ils oublient miraculeusement la caméra et s’adonnent à leur propre destin avec la force et la beauté qui les caractérisent. Pour autant, la photographie est très soignée. Les deux réalisateurs ne lésinent pas sur l’esthétique de l’image et la mise en scène. Le récit est très écrit et les comédiens s’y engagent avec tendresse et vérité. Le chant de la forêt , c’est aussi la mise en scène des sonorités profondes de la forêt. Les oiseaux accompagnent le récit d’un bout à l’autre. Il s’agit presque d’un film écologique, au sens d’un écosystème presque parfait entre les êtres humains, les animaux, les arbres et les cascades.
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- ©Ad Vitam