Le 12 février 2020
Un excellent polar, multi-récompensé, porté par son acteur principal qui compose une sorte d’avatar de Philip Marlowe. Bien plus qu’une enquête, Le Caire confidentiel est à la fois la chronique d’une fin de règne, celle d’un régime politique corrompu, et le portrait quasi métaphysique d’un homme confronté à une forme d’absurdité.


- Réalisateur : Tarik Saleh
- Acteurs : Slimane Dazi, Fares Fares, Mari Malek, Yasser Ali Maher
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Allemand, Suédois, Danois
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 12 février 2020 21:00
- Chaîne : Arte
- Titre original : The Nile Hilton Incident
- Date de sortie : 5 juillet 2017
- Festival : Festival du film Policier de Beaune, Festival de Reims 2023

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Résumé : Le Caire, janvier 2011, quelques jours avant le début de la révolution. Une jeune chanteuse est assassinée dans une chambre d’un des grands hôtels de la ville. Noureddine, inspecteur revêche chargé de l’enquête, réalise au fil de ses investigations que les coupables pourraient bien être liés à la garde rapprochée du président Moubarak.
Critique : Dès les premières images, le contexte est posé, sans qu’il y ait besoin de relier les points : un flic qui se fait expliquer le fonctionnement de Facebook, le discours du président égyptien resserrant les rangs autour de sa garde rapprochée, après un événement qu’il qualifie d’"attaque terroriste". Nous tenons les enjeux du Printemps arabe, catalysé par les réseaux sociaux, qui emportera les pouvoirs alors en place dans plusieurs pays du Maghreb. Les images télévisées, souvent brouillées comme un symbole, documentent les soubresauts de ces soulèvements populaires. Le simple témoignage d’un chauffeur de taxi en colère évoque aussi la révolte qui gronde. La toile de fond n’est pas une simple illustration, parce qu’elle se réfère à un fait réel : l’assassinat de la célèbre chanteuse libanaise Suzanne Tamim en 2008. Le meurtre impliquait un proche la famille Moubarak.
Il y a donc bien quelque chose de pourri dans le gouvernement égyptien, ce qui engendrera la fronde populaire. Récompensé du Grand Prix de la World Competition au Festival de Sundance, Grand Prix au festival du film policier de Beaune, le deuxième long-métrage de Tarik Saleh est un excellent polar, que porte sur ses épaules voutées le magnifique acteur libano-suédois Fares Fares : dans la peau du colonel de police Noureddine Mostafa, sorte d’avatar méditerranéen de Philip Marlowe, observateur désabusé d’un monde corrompu. il symbolise l’idée d’une justice, soucieuse de rétablir une forme de morale, avec l’aide de Salwa, la femme de chambre qui a tout vu. Mais ce flic ne se réduit pas à sa fonction connotative : son errance à la fois géographique et morale lui confère une dimension quasi métaphysique.
Si le héros se heurte fatalement à des résistances caractéristiques d’une prévarication érigée en système, l’horizon de ses pensées porte si loin qu’on ne saurait circonscrire cet excellent polar dans une géographie habituelle, quand bien même les morts s’accumulent de manière attendue. L’en-dehors que le film esquisse a une densité véritablement fascinante.