Le bruit des mots - La chronique BD

En mêlant l’instantané d’une situation donnée, éphémère et courte, avec le figé d’un dessin ultraréaliste, l’auteur s’est posé en Balzac des temps modernes, à l’heure où les longues descriptions d’une centaine de pages font peur, et où l’on s’habitue de plus en plus à du contenu bref et intense, sans cesse renouvelé. Pour autant, l’objectif est le même que l’illustre auteur du XIXe siècle, puisqu’il s’agit de montrer, avec tendresse ou blâme, des scènes que chacun peut identifier, des fragments de vie qui font l’humanité. Ici, chaque planche est un prétexte pour un dialogue qui varie, entre deux et douze répliques, où l’on entend étrangement bien les voix qui s’accordent au personnage, comme si l’on avait déjà croisé les gens cités (à l’exception peut-être des astronautes). Par conséquent, le côté touchant est cependant absent, puisque l’on a affaire à des inconnus, mais le lien, même fin à l’extrême, se créé d’une manière si rapide qu’il relie le lecteur à l’œuvre dans son ensemble au final.

Germain Huby / Le Tripode

Le dessin, qui laisse la part belle à l’architecture, aux lignes d’horizon et aux formes géométriques nettes, ressemble aux images que l’on trouve dans les manuels de consignes de sécurité situés dans les sièges passagers des avions. Visages sereins, couleurs neutres, le ciel est étrangement l’élément qui a le plus de variations, de caractéristiques voire d’esthétique. Son côté rébarbatif cache en vérité une certaine insolence, qui ne transparaît pas dans les premières pages, surtout lorsque l’on retrouve la discussion d’une mère et de son fils avec une maison à deux moments de la journée. Mais elle finit par s’imposer au fil de l’album.

Germain Huby / Le Tripode

Galeries d’instantanés, comme autant de photographies sonores, Le bruit des mots n’est ni touchant ni hilarant, mais il apporte une nouvelle dimension à la capture réaliste de la conversation, et surtout la couche sur un format BD plus qu’intéressant.