Le 1er août 2017
À l’aide d’une distribution fabuleuse, Buñuel met en scène des discussions théologiques dans un film surprenant.
- Réalisateur : Luis Buñuel
- Acteurs : Michel Piccoli, Laurent Terzieff, Édith Scob, Jean Piat, Bernard Verley, Alain Cuny, Pierre Clémenti, Delphine Seyrig, Paul Frankeur, Julien Bertheau, Georges Marchal, Michel Etcheverry, François Maistre, Claude Cerval, Denis Manuel, Rita Maiden
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Allemand, Italien
- Distributeur : Carlotta Films, Compagnie Commerciale Française Cinématographique (CCFC)
- Durée : 1h41mn
- Date télé : 2 août 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 2 août 2017
- Date de sortie : 15 mars 1969
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Résumé : Six mystères ou dogmes du catholicisme sont illustrés à travers deux vagabonds, Pierre et Jean, qui pour se faire un peu d’argent se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Critique : Pierre et Jean, clochards presque célestes, marchent sur une petite route, à l’écart de la grande circulation, à part donc des sentiers battus, quand ils croisent un homme vêtu d’une cape, qui semble surgir du néant et leur tient un étrange discours prédictif (ils devront faire des enfants aux noms énigmatiques, prophétie réalisée d’étrange manière à la fin) et donne de l’argent à celui qui en a déjà, en refuse à celui qui n’en a pas. Nous voilà introduits dans un monde bizarre qui fera se côtoyer différentes temporalités (l’Antiquité, l’Inquisition, le dix-huitième et le contemporain), parfois dans le même plan, avec pour seuls liens la présence des deux protagonistes, et la religion omniprésente, sous forme de discussions théologiques affutées ou en actes. Car la singularité de ce faux pèlerinage est que tout un chacun s’y révèle expert en écritures saintes et connaît les différentes hérésies, du maître d’hôtel (le très distingué Julien Bertheau, familier de Buñuel) au prêtre bavard (Julien Guiomar). Tous argumentent et questionnent, ou s’opposent jusqu’au duel. Au fond, quelle que soit l’époque, la religion demeure une source de violences ; dans le détail comme dans l’Histoire, elle est source de condamnations (l’inquisiteur), ou de simples refus : après avoir longuement disserté, M. Richard met les vagabonds à la porte. Même si la brutalité est affadie aujourd’hui (voir ces petites filles qui reprennent en chœur : « qu’il soit anathème ! »), c’est la même intolérance qui préside (le mot « anathème » est repris dans la séquence suivante, mais il condamne à mort).
- LA VOIE LACTÉE © 1969 STUDIOCANAL – FRAIA FILM ROME. Tous droits réservés.
Évidemment, Buñuel ne s’en tient pas là : il parsème son film de détails saugrenus (quand l’un des clochards rêve que le pape est exécuté, son voisin entend les détonations ; le prêtre se promène avec un sabre…) voire métaphoriques, comme avec ce premier prêtre qui se révèle être fou. Et s’il semble rejeter une religion aussi absconse que brutale, il suggère que Jésus est partout, il est le vagabond jeune comme un enfant présentant des stigmates. Peut-être que Dieu n’existe pas, comme le proclame Sade (Michel Piccoli), peut-être qu’il existe, comme lui répond Thérèse, mais le merveilleux, lui, s’offre à qui sait voir ; d’ailleurs, les multiples apparitions et changements ne troublent personne. On ne s’étonnera donc pas de croiser la route de l’ange de la mort dans une voiture accidentée ou de voir surgir une voisine de lit. Tout est possible, et en cela la force du cinéma et en particulier celle du montage produit des miracles, de vrais miracles si l’on peut dire. Ainsi de ces deux hommes du passé qui, en volant des vêtements, deviennent nos contemporains.
- LA VOIE LACTÉE © 1969 STUDIOCANAL – FRAIA FILM ROME. Tous droits réservés.
Iconoclaste, Buñuel l’était sûrement : même s’il s’appuie sur d’authentiques textes, même si le thème de l’hérésie est abordé avec sérieux, la moquerie n’est jamais loin. À ce titre il est significatif qu’il ait confié à son scénariste Jean-Claude Carrière le soin d’incarner Priscillien, l’hérétique orgiaque, après qu’il eût joué un prêtre dans Le journal d’une femme de chambre. D’une manière générale, les seconds rôles se composent d’une galerie inouïe de comédiens chevronnés ou débutants, avec, pêle-mêle, Delphine Seyrig, Pierre Clementi, Jean Piat, Alain Cuny, Claude Cerval et, bien sûr, l’indispensable Muni.
- LA VOIE LACTÉE © 1969 STUDIOCANAL – FRAIA FILM ROME. Tous droits réservés.
Pour être sincère, n’étant pas versé dans la théologie, on avoue avoir parfois frôlé l’ennui. Les déclamations sont de temps en temps un poil trop longues, surtout en latin. Mais la verve de ce film roboratif, sa construction singulière, l’invention constante emportent in fine le morceau et on ne cesse de s’extasier sur une œuvre cohérente, exigeante, qui ne ressemble à aucune autre. À ce titre, La voie lactée ne dépare pas d’un ensemble indispensable.
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