Le 27 février 2014
La trilogie d’inspiration autobiographique du cinéaste Bill Douglas est un des joyaux du cinéma britannique des cinquante dernières années et un film magnifique sur l’enfance.
- Réalisateur : Bill Douglas
- Acteurs : Stephen Archibald, Hughie Restorick, Jean Taylor Smith, Joseph Blatchey
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
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La trilogie de Bill Douglas réunit des films que le cinéaste a voulu à la fois différents et dans une continuité. "My Childhood" ("Mon enfance", 1972) et "My Ain Folk" ("Les miens", 1973) retracent, à travers le personnage de Jamie, l’enfance et l’adolescence misérables du cinéaste dans un petit village minier du sud de l’Écosse. Dans "My Way Home" (" Mon retour", 1978), nous suivons le calvaire de Jamie en Angleterre, puis nous le retrouvons, le temps de son service militaire, en Égypte. Il devait y connaître Robert, un autre jeune appelé, qui devint son ami et l’aider à réaliser ses rêves artistiques d’auteur de films.
L’argument : La trilogie de Bill Douglas réunit des films que le cinéaste a voulu à la fois différents et dans une continuité. My Childhood (Mon enfance, 1972) et My Ain Folk (Les miens, 1973) retracent, à travers le personnage de Jamie, l’enfance et l’adolescence misérables du cinéaste dans un petit village minier du sud de l’Écosse. Dans My Way Home (1978), nous suivons le calvaire de Jamie en Angleterre, puis nous le retrouvons, le temps de son service militaire, en Égypte. Il devait y connaître Robert, un autre jeune appelé, qui devint son ami et l’aider à réaliser ses rêves artistiques d’auteur de films.
© BFI film
Notre avis : Une vieille femme vient chercher son petit-fils à l’école. On entend la sirène stridente émanant d’un puits de mine. Des mineurs sortent joyeusement des profondeurs de la terre. Des enfants viennent à leur rencontre et s’élancent dans leurs bras. Du haut d’un terril, un enfant au regard triste, au visage sale et en haillons, les regarde. Lui n’est pas concerné par ces effusions. Nous sommes en 1945, dans la pauvreté d’un village minier, Newcraighall, situé dans le sud de l’Écosse, près d’Édimbourg. Ce sont les premières images du film My Childhood, tourné en 1972 par un cinéaste écossais trop méconnu, Bill Douglas.
Le ton du film est donné. De même que celui des deux autres volets, My Ain Folk et My Way Home, de cette trilogie autobiographique projetée en 1978 en France et qui a fait l’objet d’une reprise sur les écrans français pendant l’été 2013. Cette trilogie est un des joyaux du cinéma britannique des cinquante dernières années, réalisé par Bill Douglas, auteur de quatre longs métrages et de plusieurs courts métrages, disparu en 1991, à l’âge de 57 ans.
Bill Douglas ne cache pas qu’à partir de ce « récit émotionnel », en trois films à la fois autonomes et ne faisant qu’un tout, il a mis en scène son douloureux passage de l’enfance à l’adolescence jusqu’à son entrée dans l’âge adulte et la découverte de son identité. Son alter ego dans la trilogie est Jamie, un enfant qui a dix ans en 1945, et que Bill Douglas suivra jusqu’à ses dix-huit ans. Le cinéaste, tout en respectant la structure linéaire du récit, nous livre en fait des fragments de son autobiographie. Des fragments plus ou moins longs, en plans souvent fixes qui embrassent tout un paysage ou cernent des situations fulgurantes. Ils s’enchaînent superbement tout au long de ce film brut et cru sur une enfance digne de Dickens. On est constamment étonné par l’alternance et la diversité des plans, leur cadrage minutieux. Au spectateur d’assurer les liaisons entre ces fragments en se glissant dans les interstices et les ellipses.
Ce travail stylisé sur le noir et blanc, charbonneux dans les deux premiers volets puis éclatant de lumière à la fin du troisième, avec des dialogues rares et arides, privilégie l’expressivité des visages. Un style sobre qui atteint des sommets artistiques de dépouillement et d’épure. Et par là même une forte puissance poétique qui rappelle celle de grands films muets.
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Dans le premier volet, Jamie est un enfant solitaire et malheureux élevé par sa grand-mère maternelle. Sa mère est à l’asile psychiatrique, son père l’ignore – même s’il vit de l’autre côté de la rue sinistre et grise où s’alignent les maisons sans âme. Jamie vit avec son demi-frère, Tommy, également délaissé par son père, « un bon à rien », chez cette grand-mère aimante mais fatiguée et usée par une vie éprouvante. Les enfants, livrés à eux-mêmes, entourent cette grand-mère de leur affection. Magnifique la scène où Jamie réchauffe les mains de sa grand-mère avec une tasse qu’il a préalablement remplie d’eau chaude. Les enfants récupèrent ainsi la grand-mère dans la campagne où elle s’est égarée. Jamie et Tommy s’ennuient à l’école et avec les autres enfants. Ils sont au cœur d’une totale misère économique – et surtout affective. On voit tout particulièrement Jamie à la recherche de la moindre poussière d’affection. Aussi trouve-t-il auprès d’un prisonnier allemand, Helmut, qui travaille dans les champs, un visage paternel. Il établit avec lui une certaine complicité jusqu’à lui déclarer, dans un moment de grande tendresse : « Je t’aime, Helmut. »
Après le retour d’Helmut en Allemagne et la mort de la grand-mère maternelle, Jamie retrouve un peu de cette affection dans le second volet, auprès de son grand père paternel. Bill Douglas situe en effet My Ain Folk dans l’univers névrotique de la maison de son père où règne la cruelle grand-mère paternelle. Une grand-mère qui l’accueille par : « Pourquoi es-tu venu ici ? », lorsque Jamie, pour ne pas aller à l’orphelinat comme son frère Tommy, accourt chez son père biologique. Bill Douglas nous montre un enfant de plus en plus tétanisé et prostré dans ce monde d’adultes desséchés, où seul le grand-père tente encore de le « défendre » face aux deux monstres familiaux que sont la grand-mère et le père. Jamie apparaît comme le bouc émissaire de la violence des adultes. Elle atteint son comble quand Jamie assiste à une bagarre déchaînée entre la grand-mère et la maîtresse du père – elles se traitent respectivement de « vieux sac » et de « putain ».
Un peu d’affection, Jamie en retrouve lors de son passage en pensionnat auprès du directeur, qui a perçu toute la souffrance de l’enfant et l’indignité du père venu le chercher pour le mettre au travail. Or, Jamie a déjà compris qu’il se sauverait en faisant autre chose que de descendre à la mine : il veut être artiste peintre… D’ailleurs « il se débrouille très bien à l’école », comme dit le directeur à son père.
Jamie poursuit pourtant encore son calvaire : de multiples petits travaux pour gagner quelques sous, en pension chez une mère adoptive perdue dans sa musique et qui n’a rien à dire à cet enfant, en passant par les locaux insalubres de l’Armée du Salut. « Je veux mourir », répète Jamy, un soir, dans un lit de fortune.
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Dans le troisième film, My Way Home, tourné en 1978, Jamie a dix-huit ans et se retrouve en Égypte. Il s’est engagé dans l’armée. Il y rencontre Robert, un jeune homme de son âge, raffiné et cultivé. Avec lui il découvre le salut par l’art, les livres, le cinéma, l’amitié – et l’envie enfin de vivre au lieu de se résigner à survivre. Cette amitié, sans doute amoureuse, Bill Douglas l’a connue avec Peter Jewel, elle durera près de quarante ans jusqu’à la mort de Douglas.
Bill Douglas a choisi pour son film des acteurs non professionnels. Comme Robert Bresson, pour qui le cinéaste avait beaucoup d’admiration. Il ne voulait pas que ses acteurs jouent… Et pour cela, il s’est limité à un maximum de trois prises par séquence. Il a trouvé en Stephen Archibald un jeune acteur non professionnel, étonnant de sincérité et de vérité, qu’il suivra de l’âge de dix ans à celui de dix-huit ans. Stephen souhaitera poursuivre une carrière d’acteur. Sans succès. Il disparaîtra en 1998, victime des dégâts de la drogue et de l’alcool. Son partenaire et ami Hughie Restorick, qui jouait le frère de Jamie, devait connaître un destin tout aussi tragique : il se donna la mort en 1990. Bill Douglas eut des rapports plus difficiles avec Joseph Blatchley, qui joue le rôle de Robert. Blatchley, qui avait déjà tenu un rôle pour François Truffaut dans L’Histoire d’Adèle H, avait, semble-t-il, du mal à supporter les sautes d’humeur de Bill Douglas.
Et pourtant, contrairement aux fins des deux premiers épisodes, la trilogie s’achève de manière optimiste : le dernier plan s’ouvre sur un verger en fleurs. Image finale de sérénité pour un chef-d’œuvre absolu de la poétique de l’enfance.
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