Le voyage immobile
Le 8 décembre 2010
Joli premier film, qui pallie son manque de moyens par un art de croquer ses personnages, dans toute leur poignante banalité. Tendre et juste.
- Réalisateur : Frédéric Pelle
- Acteurs : Anaïs Demoustier, Nicolas Abraham, Jade Phan-Gia, Philippe Dusquesne, Jean-Claude Lecas
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 8 décembre 2010
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– Durée : 1h23mn
Joli premier film, qui pallie son manque de moyens par un art de croquer ses personnages, dans toute leur poignante banalité. Tendre et juste.
L’argument : Patrick Perrin est croupier dans un petit casino de bord de mer.
Son rêve ? Partir. Tout quitter pour une destination inconnue. Mais un tel voyage ne s’improvise pas. Pour commencer, Patrick décide de s’acheter une valise. Une belle valise à roulettes de couleur rouge, qu’il installe immédiatement au pied de son lit.
Il ne reste plus maintenant qu’à la remplir et choisir une destination.
Notre avis : Adaptant Voyage voyages, bouquin plutôt reconnu de Laurent Graff, le cinéaste Frédéric Pelle n’en est pas tout à fait à son coup d’essai : il est déjà l’auteur de plusieurs courts-métrages, remarqués dans les festivals (et nominé aux Césars dans le cas de Des morceaux de ma femme, en 2006) et réalisés au sein d’une petite boîte de production, Bianca Films, qui a été créée pour l’occasion. Ce n’est donc pas un hasard si on retrouve, dans ce premier long-métrage, un certain goût pour la scénette, sans que le film se réduise pour autant à une enfilade de sketchs.
Car La tête ailleurs a deux fils rouges : un personnage d’abord, Patrick Perrin, voyageur dans l’âme incapable de sortir un pied de sa province ; un thème ensuite, le passage inexorable du temps (qui dépassera largement celui, plutôt évident, de "l’envie d’évasion"). Malgré le statisme de la mise en scène et le manque criant de budget, qui empêchent le film de décoller tout à fait, Frédéric Pelle traite son sujet avec suffisamment de drôlerie et de tendresse pour qu’on se laisse agréablement embarquer.
Modeste, La tête ailleurs ménage quelques situations et dialogues plutôt rigolos, mais repose essentiellement sur les épaules de son acteur principal, idéal. Autour de lui gravitent plusieurs figures du quotidien : le voisin divorcé et alcoolique, les collègues un peu beaufs mais fidèles (Patrick travaille comme croupier dans un casino de province pas très glam), un médecin compatissant et pas dupe (l’ancien Deschien Philippe Dusquesne, l’une des rares têtes connues du casting), quelques rencontres féminines de passage (parmi lesquelles une Anaïs Demoustier craquante). De prime abord, les personnages semblent rentrer dans les moules grossiers de la caricature, mais le récit, étendu sur une vingtaine ou une trentaine d’années, prendra le temps nécessaire pour les affiner et, pourquoi pas, pour les faire sortir de leur cadre préétabli (comme en témoigne le destin inattendu du voisin).
Frédéric Pelle et Laurent Graff dessinent le portrait collectif de personnalités quelque peu enfermées dans leur quotidien, parvenant (ou ne parvenant pas) à transcender leur banalité sur la durée. Le film ne raconte d’ailleurs que cela : la vie d’un homme atypique rêvant d’ailleurs, plongé au cœur d’un monde qui change, autour de lui, tandis que lui ne "bouge" jamais. Patrick remplit sa valise et se voit déjà à Bangkok, mais n’ira jamais plus loin, in fine, que les plages de Charente. Au fil des minutes, La tête ailleurs nous fait ainsi sentir le poids d’une vie qui nous échappe et ne se conforme jamais vraiment à ses promesses et à nos espoirs. Le paradoxe du personnage étant que, rêveur immobile, il ne cessera pourtant jamais de voyager... du moins en esprit, qu’il collectionne les catalogues de la Fram, improvise un échange polyglotte en face de son miroir ou redécouvre les sinuosités d’un fleuve dans les belles lignes d’un sexe féminin.
Le comédien Nicolas Abraham, grand dégingandé entre deux âges, élève d’un "burlesque impassible" à la Tati, offre ici une composition attachante, à la fois lunaire, pathétique et séduisante. Au delà de ses défauts formels, l’ensemble ne manque pas de charme, jusqu’à un final qu’on ne révèlera pas, certes complètement cheap (et sans doute assumé comme tel, rappelant la dernière scène de Grégoire Moulin contre l’humanité d’Artus de Penguern), mais bouclant La tête ailleurs sur une note joliment poétique.
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