Le 7 juin 2021
Un intellectuel, sage et rangé, tombe amoureux d’une jeune hôtesse de l’air. L’un des plus tristes et des plus sensibles films de François Truffaut.
- Réalisateur : François Truffaut
- Acteurs : Jean Desailly, Françoise Dorléac, Daniel Ceccaldi, Maurice Garrel, Sabine Haudepin, Laurence Badie, Jean Lanier, Jean-Louis Richard, Nelly Benedetti
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Carlotta Films, Athos Films
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 2h00mn
- Reprise: 4 septembre 2024
- Date de sortie : 20 avril 1964
- Festival : Festival de Cannes 1964
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– Reprise en version restaurée : 4 septembre 2024
Résumé : À Paris, Pierre Lachenay (Jean Desailly) sort du métro précipitamment pour rentrer chez lui. Il y retrouve sa femme Franca (Nelly Benedetti) et Sabine, sa fille de huit ans (Sabine Haudepin). Il est très en retard pour boucler sa valise et partir vers Orly. Écrivain et directeur de revue, il doit se rendre à Lisbonne, dans le cadre d’une conférence sur Balzac.
Critique : Pierre Lachenay, bourgeois parisien un peu coincé, à la fois maladroit et sûr de ses connaissances littéraires, va voir sa vie bien lisse voler en éclats quand il va croiser le chemin de Nicole (Françoise Dorléac), une jeune hôtesse de l’air. A Lisbonne, lui, si raisonnable, va oser aborder cette belle jeune femme qui justement est descendue dans le même hôtel que lui. Après un merveilleux week-end portugais, il faudra renter à Paris où les rencontres en toute discrétion vont être plus compliquées.
Dans la France des années 1960, on ne s’affiche pas avec sa maîtresse et une jeune femme sérieuse ne reçoit pas d’étranger dans son petit appartement.
Pierre représente à plus d’un égard le temps d’avant : son métier le conduit à s’intéresser à des écrivains disparus, il est vêtu d’un costume strict, porte le chapeau, ne sait pas danser, et préfère largement, chez les femmes, la jupe au "blue jean". Nicole, elle, tout au contraire, symbolise la jeunesse de l’époque, où la femme travaille, s’affirme dans ses choix et aime danser le twist.
À cette période, le jeune cinéaste, tout juste auréolé du succès de Jules et Jim (1962), cherchait à adapter le roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, qu’il tournera finalement en 1966. Parallèlement, dans la continuité de ses précédentes activités de critique de cinéma, il venait de conduire des entretiens avec Alfred Hitchcock qui débouchèrent sur l’un des ouvrages les plus fameux consacré au septième art : Hitchcock/Truffaut, ou Le Cinéma selon Alfred Hitchcock.
On sent clairement l’influence de son réalisateur préféré dans la mise en scène de cette œuvre, pourtant considérée, au moment de sa création, comme une simple transition. Le découpage en plans courts et le montage nerveux, chers au maître du suspense, tranchent nettement avec un sujet a priori romantique. On perçoit une fébrilité permanente à travers le parcours de Pierre, perdu par cette liaison, qui est le personnage central de l’histoire : ainsi, on notera les regards expressifs qui se veulent pourtant neutres, les non-dits presque systématiques, les petits mensonges hypocrites et inutiles.
Jean Desailly et Françoise Dorléac, souvent filmés en gros plans, sont impeccables, lui rigide et dépassé, elle, jeune mais pas insouciante, et effrayée par l’amour de cet homme mûr si sérieux.
Les scènes intimes, très sensuelles, sont renforcées par la belle partition de Georges Delerue.
Dans le rôle ingrat de la femme trompée, Nelly Benedetti ne se contentera pas de subir : passionnée et impulsive, elle va se défendre à sa façon.
Le film, présenté au festival de Cannes 1964, ne rencontrera aucun succès, sans doute considéré comme trop triste, parce qu’il tourne autour d’un personnage qualifié d’antipathique. Et le long métrage sera à peine défendu par son auteur, tout occupé par son film suivant. C’est un peu plus tard, peut-être aussi en raison de la disparition tragique de Françoise Dorléac, en 1967, à seulement vingt-cinq ans, que le film trouvera sa notoriété, et sera considéré pour beaucoup comme l’une des plus belles réalisations de Truffaut et l’un des plus beaux rôles de l’actrice.
Test Blu-ray
Pour la première fois en Blu-ray Master haute définition.
L’image
Excellent rendu du noir et blanc granuleux de Raoul Coutard. On profite d’autant plus de la beauté des plans de rues parisiennes.
Le son
Plutôt moyen dans l’ensemble, et très étouffé voire inaudible lors des échanges téléphoniques, où l’on entend à peine l’interlocuteur qui est absent de l’écran.
Les suppléments :
Au nombre de cinq, intéressants, mais tous de courte durée
1 Commentaire audio de Michel Ciment
Quelques minutes qui replacent factuellement l’œuvre dans son contexte.
2 Actualités télévisées
Françoise Dorléac, au bras de Jean-Louis Richard (coscénariste et second rôle), dans les rues de Cannes, juste après la projection du film, joue la comédie du couple qui se rend chez le bijoutier. Elle n’en laisse pas moins paraître ses inquiétudes quant à l’accueil des festivaliers.
Nelly Benedetti, à la terrasse d’un café, souligne tout le plaisir qu’elle a eu à interpréter Franca. Elle espère, grâce à la notoriété de Truffaut, être sollicitée pour d’autres rôles.
3 Interview de la télévision flamande
François Truffaut et Françoise Dorléac analysent le personnage de Pierre Lachenay.
4 Cinéastes de notre temps
Le cinéaste dissèque quelques scènes décisives de son long métrage. Il explique aussi l’origine étonnante de l’idée première : des amants, ayant chacun une vie de famille ailleurs, s’embrassent passionnément dans une voiture, à tel point que leurs dents s’entrechoquent. Cette scène n’est pas dans le film, mais elle est restée présente tout le long de l’écriture et du tournage.
5 L’ancien et le moderne
À travers cette partie tournée récemment, Nicolas Saada, s’appuyant sur des images des extraits, analyse le film qu’il redécouvre à chaque vision. Une évidence dorénavant : Jean Desailly représente l’ancien et Françoise Dorléac la Nouvelle Vague. Et l’influence d’Alfred Hitchcock s’avère encore et toujours prépondérante.
Dans le cinéma de Reims, Pierre Lachenay donne une conférence, en préambule à la projection du documentaire de Marc Allègret "Avec André Gide" (1952), dont Jean Desailly fut l’un des narrateurs.
Dans le hall, on aperçoit les affiches de deux films : "Peau de banane" de Marcel Ophuls (1963) et "Le testament d’Orphée" de Jean Cocteau (1960).
Galerie photos
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