La part de l’autre

Notre avis : Et si Hitler avait été reçu à l’Académie des Beaux-Arts ce 8 octobre 1908 ? L’histoire du monde en aurait-elle été bouleversée ? C’est sur ce parti pris que commence le livre de Schmitt. Un chapitre nous raconte la véritable histoire d’Hitler, l’autre ce qu’il serait devenu, selon l’auteur, si Adolf H. était devenu le grand peintre qu’il rêvait d’être.
 
Eric-Emmanuel Schmitt est un habitué des "déviations" historiques. Dans la pièce qui l’a fait connaître du grand public, Le Visiteur, un dialogue entre la mort et Sigmund Freud, Schmitt prenait déjà ce prétexte pour faire parler son imagination. Il nous prouve encore une fois dans ce roman son grand talent de documentaliste, on apprend beaucoup de choses sur la vie du véritable Hitler, son impuissance, les frustrations qui ont jalonné sa vie, sa montée vers la folie, etc. Et il nous démontre aussi sa capacité imaginative qui fait de lui un romancier incontournable, en ce début de millénaire. L’histoire et la personnalité d’Adolf H, "l’autre", tiennent parfaitement la route. Loin d’avoir imaginé un destin extraordinaire, il a imaginé un destin plausible. 
Les chapitres s’enchaînent avec méthode, décrivant parfois les mêmes événements historiques avec deux regards différents (comme la guerre de 14-18, déterminante pour la vie des deux Adolf). L’écriture de Schmitt diffère de plus en plus au fil des pages quand il parle de l’un ou de l’autre. Chaotique pour Hitler, plus douce pour Adolf H. On se laisse vite porter par les deux histoires croisées, qui font remonter en nous des questions sur l’inné et l’acquis, sur les rencontres, la vanité, la frustration...

Entre comédie et tragédie La part de l’autre pousse à la méditation sur l’histoire humaine en général, et on n’a pas fini de se poser cette question : "et si...?"