Le 10 mai 2020

- Chanteur : Idir
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Monument de la culture kabyle, le compositeur du célèbre A Vava Inouva s’est éteint à l’âge de soixante-dix ans, le 2 mai dernier.
News : Il a fait rayonner la culture de sa Kabylie natale, bien au-delà de l’Algérie, anticipant, par son tube A Vava Inouva, une berceuse aux influences folk, la mode de ce qu’on a appelé la "world music", dans les années 80. Moins prolifique que ses confrères Lounis Aït Menguellet ou Matoub Lounès, autres artistiques emblématiques de la chanson berbère, Idir n’eut besoin que de sept albums pour accéder à une reconnaissance internationale qui emprunta les voies du hasard, puisque rien ne destinait ce géologue de formation à embrasser une carrière dans la musique. C’est en remplaçant au pied levé la chanteuse Nouara sur Radio Alger qu’il se fait connaître avec son premier succès. Nous sommes en 1975, le morceau s’appelle Rsed Ay I des : c’est une chanson solaire, une berceuse qui célèbre à la fois l’enfance et la montagne Djurdjura. A Vava Inouva sera la deuxième composition, sortie sur l’album éponyme, tout à la fois imprégnée de l’univers des contes et pourvoyeuse de réalisme social, profondément enracinée dans l’histoire de l’Algérie. Ce magnifique morceau connaîtra un succès international, sera traduit en quinze langues et restera l’œuvre emblématique de l’artiste.
Mais Idir n’est pas de ceux qui ont un plan de carrière : après un second 33 tours sorti en 1979 ("Ay arrac nneɣ"), avec l’entraînant "Awah awah" aux influences reggae, suivi d’une série de concerts, il s’éclipse pendant dix ans. Entretemps, cette world music, dont il aura été un des précurseurs, a envahi les ondes, le raï est devenu extrêmement populaire. Une compilation éditée en 1991 le remet sur le devant de la scène. Idir enchaîne alors les tournées dans la foulée d’un nouvel album paru en 1993, Les Chasseurs de lumière, qui chante les thèmes favoris de l’artiste, dont l’exil à travers l’emblématique "Aghrib". Durant cette décennie, le chanteur multiplie les collaborations avec d’autres, comme en témoigne son opus Identités, sorti en 1999 : y participent Geoffrey Oryema, Maxime Le Forestier, Dan Ar Braz, pour ne citer qu’eux. Idir travaillera également avec l’icône de la musique bretonne, Alan Stivell.
Huit ans plus tard, La France des couleurs est encore un hymne à la diversité où s’agrègent de jeunes artistes de la nouvelle génération, comme Zaho ou Grand Corps Malade. Ces années sont aussi celles des engagements en faveur de la culture kabyle attaquée par le pouvoir algérien : moins virulent que Matoub Lounès qui paiera son combat de sa vie (il sera assassiné en 1998), Idir prend position pour une histoire berbère qui est, selon lui, délaissée : "Nous n’avons jamais intéressé grand monde : pas de pouvoir, pas de pétrole ou de gaz, et nos divergences n’ont fait qu’aggraver notre situation", déclarait-il encore au Journal du Dimanche, l’an dernier. En 2017, quatre ans après son album Adrar Inu (« Ma montagne »), plus épuré que ses productions précédentes, comme un retour aux sources, le chanteur reviendra pour un unique concert en Algérie, où il ne s’était pas produit depuis trente-huit ans.
L’auteur-compositeur-interprète s’est éteint le 2 mai dernier, à l’âge de soixante-dix ans.