La Mille et unième nuit - La chronique BD

Le refrain est connu : Shéhérazade doit raconter chaque soir une nouvelle histoire au sultan, qui épargnera ainsi sa vie jusqu’au lendemain soir. Le pirate Sindbad, les princesses persanes et les Djinns du déserts se succèdent ainsi, et les contes s’enchaînent. Cet esprit féerique mais inquiétant, virevoltant et envoûtant, Étienne Leroux et Vincent Froissard ont choisi de le conserver pour en faire la Mille et unième nuit. C’est la sœur de la célèbre Shéhérazade qui va y tenir le rôle principal, elle qui se tient dans l’ombre, et qui souhaite aider sa sœur à tenir encore une nuit. Pour chercher l’inspiration, elle va plonger dans les ruelles de la capitale, faire des rencontres incongrues et des rêves étranges. Les récits enchâssés se succèdent ainsi, à la manière du recueil originel, et l’univers se déploie, tandis que de nouveaux personnages font leur apparition, entrant tour à tour dans la magie. Le seul écueil réside dans la centralité échue au sultan Shariar, qui comme la tradition l’exige, reste un misogyne notoire, lâche et égoïste. Sa chute n’interviendra pas, mais c’est le seul bémol que l’on peut noter : le merveilleux touche chaque page, les dialogues et les paraboles filent et l’on se fait happer par l’air, entre tapis volants et traînée de génies, enivrant de magie de l’album. L’envers du décor a la même force, la petite sœur a une puissance insoupçonnée, que ce soit l’héroïne seule ou l’œuvre entière.

© Soleil

Forcément, et ce dès la couverture, le dessin participe à cette immersion totale dans l’univers du conte. Décoré comme une mosquée iranienne, les couleurs d’or et de bleu enveloppent les planches comme une douce lueur, où le sable se soulève lentement et les corps enfantins semblent jouer, même lorsqu’il est question de guerre ou de sexe. Aidés de détails minimes, le sens et la portée sérieuses de l’œuvre se révèle, d’un sourire carnassier à une épée plantée. L’honneur, la jalousie, l’orgueil défilent tour à tour, captés par un trait sublime qui s’appuie sur des à-plats divers, offrant une souplesse de dessin et de rendu. Le tout est superbement relié, à l’image de certaines pages encadrées de dorures quasi sacrées.

© Soleil

Petit joyau digne des contes de fées des temps anciens, La Mille et unième nuit s’inspire d’un classique et parvient à l’égaler en merveilleux et imaginaire. Petite perle de l’Orient, cet album convient à tous les publics, pourvu qu’ils aient envie de rêver.