Sombre Belgique
Le 21 avril 2004
Le thriller belge sort de l’ombre, avec force et conviction.


- Réalisateur : Erik Van Looy
- Acteurs : Jan Decleir, Koen De Bouw
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Belge
- Editeur vidéo : Universal Pictures Video

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– Durée : 2h03mn
Le thriller belge sort de l’ombre, avec force et conviction.
L’argument : Anvers 1995. Atteint de la maladie d’Alzheimer, un tueur à gages accepte un dernier contrat. Quand il apprend que sa mission comprend le meurtre d’une jeune fille, et qu’il a été manipulé, il décide de tout arrêter et se retourne contre ses commanditaires dont il ignore pourtant l’identité. Il va donc devoir utiliser la police, pourtant à ses trousses, pour l’aider à mener son enquête et trouver ceux dont il va progressivement oublier les noms.
Notre avis : Alors que la Belgique vit au rythme du procès de Marc Dutroux, La mémoire du tueur a une résonance toute particulière. Pédophilie, prostitution enfantine, implication de notables, collusion entre pouvoir politique et autorités judiciaires, rivalités entre services de police. Même si le film est l’adaptation d’un roman écrit dans les années 80 par Jef Geeraerts, les similitudes sont frappantes avec l’actualité du plat pays.
Mais au-delà de son message politique, La mémoire du tueur est un polar noir parfaitement réussi, redonnant ses lettres de noblesse au film policier européen. Réalisation nerveuse pour des séquences musclées, photographie léchée avec un soin tout particulier accordé au grain des images, ambiance empreinte d’une réelle noirceur. Le réalisateur flamand Erik Van Looy a gagné son incroyable pari : damer le pion aux productions américaines (sorti sur trente-quatre copies, le film fait mieux que Matrix revolutions, Bad boys 2 et Kill Bill : Volume 1) malgré un petit budget et seulement cinquante jours de tournage.
Mêlant adroitement scènes d’action spectaculaires et thriller psychologique, Erik Van Looy parvient à distiller une tension et un rythme qui jamais ne retombe (la scène d’ouverture est d’ailleurs, à ce titre, un pur joyau). L’ensemble bénéficie d’une interprétation irréprochable. Si le tandem de flics est impeccable de justesse et d’humour, la star flamande Jan Decleir, dans le rôle du tueur à gages, mérite une mention particulière, incarnant idéalement un personnage tour à tour inquiétant, sympathique, touchant. On peut bien entendu reprocher à La mémoire du tueur de trop emprunter à de récents succès américains (notamment Memento avec qui les ressemblances sont troublantes). Mais l’œuvre de Van Looy est suffisamment maîtrisée tant au niveau du scénario que de la réalisation pour être une vraie réussite qui devrait ravir tous les amateurs de films du genre.
Jusqu’à maintenant, quand on parlait du cinéma belge, on pensait à l’iconoclaste Benoît Poelvoorde ou au cinéma social des frères Dardenne. Oubliez vos références car le thriller belge sort aujourd’hui de l’ombre. Avec force et conviction.
Coup d’œil : La mémoire du tueur a reçu le prix de la critique internationale lors du 22e Festival du film policier de Cognac (lire notre brève).