1948. Brecht rentre à Berlin-Est après quinze ans d’exil. Les services secrets chargent Maria Eich de devenir sa maîtresse. Comédienne, à la dérive, elle monnaie ses services contre l’autorisation de passer voir sa fille à l’Ouest. Maria entre dans la troupe. Brecht travaille, fait parler de lui, revendique sa vision du théâtre et de la société, monte Antigone. Maria suit le couple, trouve sa place dans cet étrange ménage à trois, et remet scrupuleusement des rapports sans intérêt.

Jacques-Pierre Amette joue sur ce séduisant postulat d’une femme qui serait dans l’ombre du grand homme, aux premières loges de la création en marche. Mais Brecht n’est pas toujours celui qu’on croit, et derrière le rideau, il n’y a qu’un homme désespérément ordinaire jusque dans ses petites perversions auxquelles Maria se plie sans broncher.
Car La maîtresse de Brecht est avant tout le roman des non-dits, des silences lourds, des confessions inachevées. C’est le roman des rendez-vous manqués, des amours insatisfaites, de tous les impossibles.

Jacques-Pierre Amette pose ses personnages comme des silhouettes de papier glacé. Sans épaisseur, sans émotions. Rien ne se dit de ce qui est intime, rien ne se livre. L’écriture est blanche, lisse, à l’image de Maria, qui se contente d’ouvrir les jambes en silence. Jamais d’excès, chez ces personnages polis, aussi froids que la guerre dont ils se font les acteurs.

L’Académie Goncourt vient de faire son choix, celui de la grisaille.