La fraîcheur mexicaine
Le 23 décembre 2013
Le désenchantement d’un idéal politique vu par des artistes engagés : Luis Buñuel et Gérard Philipe.
- Réalisateur : Luis Buñuel
- Acteurs : Gérard Philipe, Jean Servais, Maria Felix
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Mexicain
- Distributeur : Les Films Corona
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h36mn
- Titre original : Los ambiciosos
- Date de sortie : 6 janvier 1960
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Résumé : Sur la petite île-pénitencier d’Ojeda, au large des côtes américaines, le gouverneur Mariano Vargas est assassiné par un opposant au régime lors de son discours à El Pao, capitale de l’île. C’est Ramón Vasquez, son assistant aux idées progressistes et amant de la femme du défunt, qui le remplace temporairement. La dictature envoie alors une équipe afin de s’assurer de la bonne application des règles par Vasquez. Le jeune idéaliste ne tarde pas à trouver en la personne d’Alejandro Gual, directeur de l’équipe d’inspection, un rempart de taille à ses aspirations politiques et amoureuses.
Notre avis : Pathé vient d’éditer de nouveaux titres parmi lesquels, La fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel avec Gérard Philipe, produit en 1959 durant sa période mexicaine. Celui-ci bénéficie aujourd’hui d’une restauration complète (2K), aussi bien visuelle que sonore, l’occasion pour le grand public de (re)découvrir une œuvre du cinéaste souvent oubliée. La fièvre monte à El Pao n’est certes pas du même acabit que les autres films qui ont fait la réputation de Buñuel, pourtant on peut y trouver un certain intérêt pour son engagement politique. Afin de le représenter, il fait appel à un acteur engagé : Gérard Philipe, connu principalement pour ses rôles en costume d’époque qui disparut cette même année, à l’âge de trente-sept ans. Il joue ici un idéaliste sous une dictature qui essaie, à sa façon, de changer les choses, rejoignant ainsi les propres certitudes politiques du comédien. Gérard Philipe, comme bon nombre de personnalités de l’époque, croit aux valeurs du communisme, même si il fut désabusé suite aux événements de 1956 qui conduisirent l’URSS à rentrer avec des chars à Budapest afin de réprimer l’insurrection démocratique hongroise, seul aspect répressif connu de l’étranger. Il est sûr que si il avait été conscient de la véritable oppression russe, ses certitudes n’auraient pas été les mêmes et son engagement aurait été différent. Ce portrait nous est révélé dans le supplément « Gérard Philipe, l’idéaliste », où l’on apprend à connaître l’homme qu’il fut, un homme de valeur et de qualité qui avait le souci de l’autre. C’est avec une approche différente, que l’on aborde La fièvre monte à El Pao : on ne voit plus l’acteur, mais Gérard Philipe qui nous parle de ses convictions.
La fièvre monte à El Pao est une adaptation du roman éponyme d’Henry Castillou ; et bien qu’il soit une commande, Buñuel se l’approprie et transpose sa propre vision politique. Malheureusement, le film souffre du manque d’ardeur scénaristique et d’un jeu assez peu fiévreux. María Félix est belle et pulpeuse à faire tourner la tête des hommes. Jean Servais y cède volontiers, tout comme le très séduisant Gérard Philipe que l’on attend par dessus tout. Son jeu est néanmoins emprunt de trop de délicatesse : on le voudrait passionné, mais il n’arrive pas à nous faire ressentir cette émotion : dommage pour les romantiques… Il ne nous reste plus qu’à nous rabattre sur l’aspect politique, qui comme nous le savons maintenant, est proche de ses convictions. Une nouvelle fois, Gérard Philipe joue avec une certaine rétention et son manque de dynamisme fait de ce film une semi-réussite. Et ce n’est pas parce qu’il n’est pas aisé de réformer, qu’il faille le faire avec autant de réserve. On peut donc alors se demander avec raison, si c’est une erreur de mise en scène, un défaut d’interprétation par manque de passion ou tout simplement un problème d’époque où il était de rigueur de ne pas dévoiler trop les sentiments, qui fait que le film pèche dans son rythme. Cependant, comme nous l’avons souligné précédemment, il est intéressant de découvrir Gérard Philipe dans un rôle proche de sa propre réalité. C’est donc l’occasion de voir cet acteur talentueux sous un œil neuf.
- Gérard Philippe, l’idéaliste (durée 27 mn)
Entretiens avec Francis Huster, Alain Ferrari, Gérard Bonal, Olivier Barrot et Sotha - Buñuel, le mélange des contraires (durée 30 mn)
Entretien avec Charles Tesson - Film-annonce
Le combo Blu-ray + DVD est accompagné de bonus, avec le portrait du réalisateur, Luis Buñuel, que l’on connaît principalement pour son côté surréaliste et ses chefs-d’œuvre tels que Belle de jour ou Le fantôme de la liberté. C’est aussi et surtout le portrait de Gérard Philipe qu’il est intéressant de découvrir. L’image renvoyée de cet homme est si forte et impressionnante, qu’elle nous donne envie de le connaître plus profondément, de le voir jouer dans ses autres films, une occasion peut-être de regarder des films de cape et d’épée, aujourd’hui si souvent ignorés car passés de mode. On peut remercier les intervenants comme Francis Huster ou Olivier Barrot qui ont su transmettre leur passion de cet homme au spectateur.
L’image :
Nulle trace de grain, l’image, en noir et blanc, est restaurée, belle et de qualité. Elle ne présente pas les signes de son âge, soit presque cinquante-cinq ans. Un beau travail de restauration que nous devons à la technologie 2K de Pathé.
Le son :
On saluera Pathé non seulement pour l’effort fourni pour la restauration 2K, où la qualité visuelle et sonore (DTS-HD Master audio) sont au rendez-vous, mais aussi pour sa volonté de rendre accessible le film le plus largement possible auprès des spectateurs sourds ou malentendants et également aux personnes malvoyantes ou aveugles avec le système « audiovision ». Une qualité malheureusement si rare qu’il est important de le souligner. Soit dit en passant, le fait de proposer un service complémentaire est une véritable arme contre le piratage.
– Sortie Blu-ray : 4 décembre 2013
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