Le 2 août 2018
Un docu-fiction reconstituant l’histoire terrifiante d’un ferrailleur rom, vivant en Bosnie, dont la femme ne parvient pas être soignée à l’hôpital, après une fausse couche, car elle n’a ni couverture sociale, ni argent...
- Réalisateur : Danis Tanovic
- Acteurs : Senada Alimanovic, Nazif Mujić, Sandra Mujic
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Bosniaque, Slovène
- Distributeur : Zootrope Films
- Durée : 1h15min
- Box-office : 7.345 entrées France / 2.181 entrées P.P.
- Titre original : Epizoda u životu berača željeza
- Date de sortie : 26 février 2014
L'a vu
Veut le voir
Nazif, un ferrailleur rom de Bosnie, est confronté au refus de l’hôpital de soigner sa femme, Senada, qui vient de faire une fausse couche. Le couple n’a ni assurance sociale ni argent pour payer l’opération. Pendant dix jours, Nazif remue ciel et terre et réussit à sauver sa femme. Un film qui a obtenu le Grand prix du jury (Ours d’argent), au festival du film de Berlin (Berlinale 2013) ainsi que l’Ours d’argent du meilleur acteur pour Nazif. Par ailleurs "La femme du ferrailleur" fait partie de la sélection du meilleur film en langue étrangère aux Oscars 2014.
L’argument : Nazif est ferrailleur. Il vit en Bosnie avec sa femme, Senada, et leurs deux fillettes. Un jour, Senada se plaint de terribles maux de ventre et doit se faire hospitaliser d’urgence. Mais faute de couverture sociale, le couple doit payer l’opération : une somme considérable qu’ils n’ont pas. Pendant dix jours, Nazif fait tout pour sauver la vie de Senada en cherchant de l’aide auprès des institutions et en tentant de trouver toujours plus de fer à vendre.
Notre avis : Après de nombreux reportages sur la guerre en Bosnie, Danis Tanović a réalisé en Belgique des courts métrages avant de connaître la consécration internationale avec le long métrage de fiction No Man’s Land – l’histoire d’un Serbe et d’un Bosniaque coincés dans une tranchée pendant la guerre civile –, qui a remporté en 2002 le César de la meilleure première œuvre de fiction, l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère, après avoir reçu le Prix du scénario au festival de Cannes.
Vivant à Sarajevo, Danis Tanović apprend par un journal local le cas poignant d’un ferrailleur rom vivant dans un village reculé de Bosnie, et dont la femme, à la suite d’une fausse couche, ne réussit pas à se faire soigner à l’hôpital, car le couple n’a ni assurance sociale ni argent pour payer les soins.
Danis Tanović, en « homme en colère », s’empare de cette histoire et décide de faire connaître ce scandale à travers un film. Mais quel genre de film ? Une fiction classique ? Un documentaire ? Un reportage ? Ou un genre hybride, ou nouveau, à partir de ces trois types de réalisation filmique ?
Devant l’urgence, Danis Tanović opte pour cette dernière solution et choisit de tourner en neuf jours et en lumière naturelle un film « coup de poing », avec une petite équipe et comme acteurs principaux les protagonistes de cette histoire : Senada Alimanović et Nazif Mujić. Il lui semblait temps de dénoncer à la fois le système de santé défaillant de son pays et les discriminations visant les minorités, particulièrement celle des Roms.
C’était un véritable pari que de fonctionner ainsi uniquement à l’instinct en ne faisant jouer que des acteurs non professionnels et en leur demandant de surtout « ne pas jouer devant la caméra ». « Des amateurs peuvent apporter à un film ce qu’aucun comédien ne peut offrir », déclare Danis Tanović. Ce sont donc les gens qui ont vécu cet épisode douloureux que nous retrouvons comme comédiens dans La Femme du ferrailleur. Tourné en caméra légère, au plus près des personnages, avec de très faibles moyens, ce film est devenu ainsi le cinquième long métrage de Danis Tanović.
- © 2014 Zootrope Films Tous droits réservés.
Le réalisateur installe avec simplicité et en prenant son temps le contexte. Il filme le quotidien de la famille rom, à la limite de la survie. Nazif, le mari, ramasse du petit bois dans des paysages montagnards enneigés pour chauffer la maisonnée, découpe des voitures abandonnées pour vendre la ferraille. Ces moments difficiles contrastent avec les instants de joie simple et les petits bonheurs qu’il connaît au sein de sa famille, avec sa femme et ses deux fillettes.
Danis Tanović a tourné dans l’improvisation, sans scénario clairement établi – mais en suivant la chronologie des faits. On est quelque peu déstabilisé, dans les premières minutes du film, par la caméra un peu chancelante et le jeu des acteurs, tout aussi hésitant. Nazif et Senada ont du mal à exprimer leurs sentiments devant la caméra et les enfants sont distraits par la présence de l’équipe de tournage. Puis les choses s’arrangent, se mettent en place.
Nous sommes, dès que le drame survient, happés par l’émotion et le désespoir de ces gens vrais. Les démarches de Nazif pour sauver sa femme sont parfaitement mises en lumière, avec une totale authenticité. Les portes se ferment brutalement du côté de l’administration du système de santé, dont l’unique leitmotiv est : « Pas d’argent, pas d’opération ! » Et ceci, malgré les supplications de Nazif, qui ne peut payer en une fois les 980 KM (marks bosniaques) réclamés pour cette intervention bénigne et qui éviterait l’infection… Non seulement Nazif et Senada n’ont pas d’argent, mais on leur a coupé l’électricité – Nazif en sera réduit à désosser sa voiture et à vendre les morceaux de tôle pour avoir quelques sous. Les portes s’ouvrent, en revanche, du côté des voisins et de parents qui font tout leur possible pour les aider. Finalement, pas d’autre solution pour Nafiz afin de sortir de cette situation et de sauver sa femme que d’utiliser un subterfuge et de ruser avec les mécanismes étatiques…
Danis Tanović dénonce avec force, et en utilisant des procédés réalistes et même naturalistes, la situation de son pays, incapable de fournir une aide de santé minimale aux plus démunis de ses citoyens – qui d’ailleurs se résignent volontiers en disant, comme Nazif, que « c’est la volonté de Dieu si les pauvres ont la vie dure ».
- © 2014 Zootrope Films Tous droits réservés.
Mais La Femme du ferrailleur ne se limite pas à un film engagé. C’est l’hymne avant tout humaniste d’un cinéaste au grand sens civique. Danis Tanović met ici en scène un homme responsable et courageux qui remue ciel et terre pour sauver sa femme et faire vivre sa famille. Au fond, une histoire universelle située dans le contexte local d’un village bosniaque.
Film sincère, sans pathos, percutant, La Femme du ferrailleur est certes imparfait dans sa réalisation un peu fruste et sans prouesses ni beauté cinématographiques. Il a néanmoins séduit en février 2013 le festival du film de Berlin (Berlinale 2013) où il a reçu le Grand Prix du jury (Ours d’argent). Le film a en outre été projeté en août 2013 en ouverture du festival de Sarajevo, dont Danis Tanović présidait le jury. La Femme du ferrailleur doit beaucoup à la performance de Senada et Nazif – lequel a lui-même remporté l’Ours d’argent du meilleur acteur à la Berlinale. Suite à cette récompense, Nazif et Senada ont demandé l’asile politique en Allemagne en novembre 2013. Ils ont été déboutés de cette demande quelques semaines plus tard et se sont vu signifier leur expulsion pour le 26 février 2014. Le jour même de la sortie du film sur les écrans français. Cependant que La Femme du ferrailleur est nommé, sous son titre anglais An Episode in the Life of an Iron Picker (traduction littérale du titre bosnien Epizoda u životu berača željeza), pour… l’Oscar du meilleur film en langue étrangère 2014, avec entre autres concurrents Rithy Panh, Thomas Vinterberg, Wong Kar-wai ou Paolo Sorrentino. Verdict à Los Angeles le 2 mars.
- © 2014 Zootrope Films Tous droits réservés.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.