Le 19 janvier 2021
La familia grande est le texte d’une femme de quarante-cinq ans, Camille Kouchner, qui relate son histoire sous l’angle de ses souvenirs actuels, défroissés par l’écriture. Des souvenirs de bonheurs puissants et de douleurs dévastatrices, articulés autour de deux événements pivots : la perte de sa mère et l’installation de l’inceste.
- Auteur : Camille Kouchner
- Editeur : Editions du Seuil
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 5 janvier 2021
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Résumé : "C’est l’histoire d’une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l’été. C’est le récit incandescent d’une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande."
- Copyright Seuil, 2021
Critique : Le récit commence par le décès de la mère et se termine sur une lettre à la défunte. Peut-être comme si ce livre était une ultime adresse à la morte, que l’auteure supplie d’ouvrir les yeux.
Camille Kouchner écrit au rythme de la lecture de ses souvenirs. Le style est épuré, avec des phrases courtes, parfois seulement un mot, lourd, tranchant, vif, comme l’explosion d’une émotion intense qui prend entièrement possession de l’être. Une traduction peut-être de la violence, liée à l’aveu de son frère jumeau, nommé Victor dans le texte. L’aveu foudroyant d’avoir été séduit abusivement par leur beau-père, éloquent, beau, qui l’attire et le touche, sexuellement, l’entraîne dans une relation de sexualité interdite. L’inceste s’installe, les liens d’emprise se serrent, solidement.
Camille Kouchner traverse le temps : son regard, son vécu d’enfant, se modifient au fil du récit, au fil des âges, et les mêmes événements, éclairés par sa maturité, se présentent différemment. L’histoire prend du sens, l’amour sans discernement s’abîme.
Ce qui, durant l’enfance, était vécu comme des joies, des libertés, de l’amour, du bonheur, est désormais alourdi par une pensée, une connaissance d’adulte, affective et intellectuelle, et conduit l’auteure à une évidence : des interdits ont été transgressés. Au sein de cette grande famille sans limites, sans tabous, où la confusion de langue entre les adultes et les enfants aboutit à une ivresse émotionnelle attirante et dangereuse, Victor et Camille sont broyés, et d’autres aussi, sans doute.
Le texte pose une question en filigrane, mais récurrente : que faire de ce bonheur immense éprouvé ? Camille Kouchner fait une description très percutante de son sentiment de culpabilité, comparé à une hydre, impression complexe, organisée autour du silence. Lorsqu’elle parle, enfin, elle perd de nouveau sa mère. L’aveuglement des adultes perçu par les enfants, conduirait-il à leur silence, même quand ils deviennent eux-mêmes grands ?
Lorsque sa mère, Evelyne, meurt, elle lui échappe, de nouveau, pour la troisième fois. Quelques années plus tard, naît ce texte, une nouvelle parole, publique. Une parole libre, qui éjecte son beau-père d’une légitimité protégée, entre autres, par les yeux fermés de la figure maternelle, une parole libre, qui dit aussi son immense amour pour elle.
La familia grande est une œuvre littéraire dont la forme est imprégnée, modelée par son sujet, l’inceste. Les émotions, les douleurs, les passions sont magnifiquement mises en mots, et les faits, les noms, les détails, dissimulés avec une pudeur distinguée. Ce récit authentique et lucide, sans compromission, peut ambitionner d’accéder au statut d’utilité publique.
208 pages - 18 €
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