Jeux dangereux
Le 26 juillet 2015
Cette œuvre inclassable qui présente un affrontement prenant entre deux champions d’échecs soviétiques est une subtile réflexion sur les jeux de pouvoir.
- Réalisateur : Richard Dembo
- Acteurs : Jean-Hugues Anglade , Michel Piccoli, Michel Aumont, Liv Ullmann, Daniel Olbrychski, Leslie Caron, Wojcieh Pszoniak, Jacques Boudet, Serge Avédikian, Bernhard Wicki, Sylvie Granotier, Benoît Régent, Alexandre Arbatt, Hubert Saint-Macary
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Suisse
- Editeur vidéo : Luminor
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 25 avril 1984
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Résumé : Pavius Fromm est un jeune génie des échecs, impétueux et provocateur. Lituanien, il a fui son pays et la mainmise soviétique, et réside en Occident. Pour la finale du championnat du monde d’échecs en Suisse, il doit affronter un compatriote bien plus âgé, Liebskind, qui a lui le soutien du régime.
Critique : Cette œuvre connut un parcours singulier. Sortie à l’automne 1984 sans avoir été sélectionnée à Cannes (ni dans aucun autre Festival), elle fut acclamée par la critique mais connut un échec commercial, sans doute dû à son thème du jeu d’échecs. Elle triompha pourtant aux César et Oscars et obtint le Prix Louis-Delluc, avant de devenir bientôt un film culte. Le cadre aseptisé de la ville de Genève sert judicieusement de décor à un affrontement tendu entre deux hommes qui se détestent, et n’ont de commun que la nationalité, l’orgueil et la passion pour les échecs, ciment de leur raison de vivre. Un Liebskind rigide mais fragile (il souffre de problèmes cardiovasculaires) symbolise un régime politique à bout de souffle, tandis que la fougue de Fromm reflète la volonté de changement du peuple soviétique, motivée par le désir de liberté mais non exempte de calculs individualistes. L’ambigüité des personnages apparaît alors très vite, et là est la subtilité d’un scénario qui aurait pu tomber dans le manichéisme d’un certain cinéma occidental abordant la guerre froide. On s’aperçoit très vite que Liebskind méprise un pouvoir dont il a conscience qu’il ne fait de lui qu’une marionnette, tandis que son adversaire, replié dans un apolitisme de façade, a l’obsession de la réussite qui anticipe le comportement des futurs nouveaux riches de période post-soviétique. Les dialogues sont pourtant peu explicites, et tout le mérite du film est de cerner avec finesse la psychologies des protagonistes.
L’intrigue est par ailleurs passionnante dans sa volonté de nous plonger dans l’atmosphère d’un championnat de jeu d’échecs, avec ses règles du jeu, ses rituels, et le travail des équipiers sur la stratégie. Des seconds rôles inspirés (dont les Polonais Daniel Olbrychski et Wojciech Pszoniak) incarnent ici des hommes partagés entre la flatterie d’une cour et les piques acerbes d’entraîneurs. Les deux figures féminines complètent avec bonheur cette galerie de jeux de massacre : tandis que Henia Liebskind (Leslie Caron) est l’image de l’abnégation pour un homme et un système, Marina Fromm (Liv Ullmann, doublée par Anouk Ferjac) est une victime différente. Détruite par un internement psychiatrique mais luttant en permanence contre les pressions, elle est le personnage le plus courageux et exemplaire d’un récit qui ne se veut en rien moraliste. La mise en scène de Richard Dembo, qui réalisait son premier long métrage, est une belle horlogerie, faisant rejaillir la tension par de nombreux cadrages en plans fixes sobres ou incisifs. Le film est bien servi par Alexandre Arbatt, acteur soviétique qui vivait en France depuis des années, et surtout Michel Piccoli, froid et inquiétant, et qui trouvait là un de ses meilleurs rôles. La carrière de Richard Dembo était quant à elle lancée mais le cinéaste, décédé en 2004, ne renouvela jamais pareil coup d’éclat. Quelques mois après la sortie du film devait débuter en URSS la perestroïka, prélude à l’écroulement de l’empire soviétique...
– Oscars 1985 : Meilleur film étranger
– César 1985 : Meilleur premier film
– Prix Louis Delluc 1984
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