Fatale martingale
Le 1er mai 2012
Cette fort belle adaptation de la nouvelle de Pouchkine qui réussit à faire surgir un monde de fantômes très évocateur mérite d’être redécouverte.
- Réalisateur : Léonard Keigel
- Acteurs : Michel Subor , Jean Négroni, Dita Parlo, Philippe Lemaire, Katharina Renn, Simone Bach, André Charpak, Bernard Tiphaine, Frank Hübler, Jacqueline Monsigny
- Genre : Fantastique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 29 décembre 1965
– Tournage à partir du 9 février 1965 au château d’Haroué (Meurthe-et-Moselle)
– Sortie en DVD le 20 février 2013 aux éditions Les Documents cinématographiques
Cette fort belle adaptation de la nouvelle de Pouchkine qui réussit à faire surgir un monde de fantômes très évocateur mérite d’être redécouverte.
L’argument : La comtesse Anna Fédotovna, épouse de l’ambassadeur de Russie à Paris sous le règne de Louis XVI, a la manie du jeu. Elle perd tous les soirs des sommes faramineuses en jouant aux cartes. Alors qu’elle est au bord de la ruine le mystérieux comte de Saint-Germain lui confie le secret d’une martingale infaillible dont elle n’aura le droit de se servir qu’une fois sous peine de causer, à deux reprises, la mort du bénéficiaire, et, la troisième fois, la sienne propre. Elle joue, gagne et renonce au jeu.
Après l’exécution du roi, le couple tente de fuir Paris mais il est retenu aux portes de la ville, les gardes étant occupés à jouer. La comtesse révèle la martingale à son mari. Il joue, gagne et obtient, contre son gain, le cachet manquant à leur laisser-passer. Mais il est aussitôt tué.
Quelques années plus tard, à Saint-Pétersbourg, Anna Anna Fédotovna révèle son secret à son jeune amant Serge. Lui aussi gagne mais, accusé de tricherie, doit se battre en duel et meurt.
Les années passent. Un officier, Hermann, feint de courtiser Lisa, la jeune protégée d’Anna Fédotovna et s’introduit dans la chambre de la vieille dame avec la complicité de sa camériste. Mais la comtesse meurt d’une crise cardiaque pendant qu’il essaye de lui extorquer le secret.
Son fantôme lui apparaît la nuit suivante, lui indique les cartes gagnantes qu’il doit jouer une à la fois, trois soirs de suite, et lui demande d’épouser Lisa. Les deux premiers soirs, Hermann joue et gagne. Mais la camériste tentant de le faire chanter il essaye de la tromper en lui disant que la troisième carte est la dame de pique.
A la table de jeu, croyant tenir l’as, il joue lui-même la dame de pique et perd.
Lisa se suicide et Hermann est condamné à jouer pour l’éternité avec les fantômes des autres dépositaires du fatal secret.
Notre avis : Faisant suite à celles de Protazanov, Ozep, Dickinson et bien d’autres, cette adaptation de la fameuse nouvelle de Pouchkine est le deuxième long-métrage de Léonard Keigel qui avait auparavant tourné Léviathan d’après Julien Green.
L’écrivain avait lui même adapté son roman pour le cinéma et eut envie de renouveler l’expérience en se lançant,avec son fils adoptif Eric Jourdan, dans cette nouvelle et ambitieuse entreprise. Le scénario et les dialogues, superbement écrits, portent indubitablement sa marque.
- Michel Subor et Dita Parlo dans La dame de pique (Léonard Keigel 1965)
Alors que dans les autres versions c’est le personnage d’Hermann qui est au centre de l’action et que les étapes antérieures de la vie de la comtesse sont simplement évoquées de manière indirecte par des récits de tiers ou quand elle se remémore son passé en fredonnant l’air de Grétry (Je crains de lui parler la nuit), le film adopte une structure chronologique en quatre chapitres (plus un épilogue) correspondant à quatre épisodes de la vie d’Anna Fédotovna, Hermann ne lui disputant le statut de protagoniste que dans le quatrième, le plus développé il est vrai.
Dita Parlo, vedette des années 30 qui n’avait tourné qu’un seul film après la guerre (avec Cayatte), trouve ici un rôle à sa mesure et donne au personnage de la comtesse une subtilité insoupçonnée en introduisant une part d’auto-ironie qui ne la rend que plus pathétique. Tous les interprètes sont d’ailleurs remarquables, à commencer par le ténébreux Michel Subor en Hermann et Katarinna Renn en camériste machiavélique.
La mise en scène de Keigel, très élaborée, parvient à installer un climat réellement étrange, comme en suspension, dans une Saint Pétersbourg hivernale et fantomatique, réinventée du côté de Nancy, dont l’aspect spectral est renforcé par la sublime photo en noir et blanc d’Alain Levant, l’obsédant quintette de Schubert et la présence d’authentiques aristocrates russes émigrés en 1917 (et qui, en 1965, prenaient aisément des allures de revenants ou du moins de survivants d’un monde disparu depuis longtemps).
- Katharina Renn et Michel Subor dans La dame de pique (Keigel 1965)
Le remarquable fini artisanal du travail fourni par toute l’équipe (éclairages, accessoires, costumes, etc.) impressionne sans pour autant figer l’ensemble dans la gangue de la fameuse qualité française si justement décriée. Stylisé, riche en trouvailles visuelles (l’apparition dans la vitre qui donne sur la terrasse) d’autant plus belles qu’elles sont toutes simples, assumant son côté littéraire avec une audace tranquille sans tomber dans la simple illustration, le film est empreint d’une grâce énigmatique qui lui confère un charme envoûtant.
Cette Dame de pique qui ne semble guère avoir eu de succès à sa sortie et qu’on a rarement l’occasion de voir mérite d’être redécouverte. Elle donne envie de voir aussi Léviathan et le reste de l’oeuvre peu abondante de Keigel (par exemple Les atomistes, une série télé de 1968).
- La dame de pique (Léonard Keigel 1965)
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Pierre Depeille 26 avril 2020
La dame de pique (1965)
Bonjour
Je souhaiterai me procurer le DVD du film La Dame de Pique de 1965
Pourriez vous m indiquer comment faire.
Merci beaucoup.
Pierre Depeille
pdepeille@orange.fr