La dame de pique (1965) - Le test DVD

Adaptée par Julien Green et Eric Jourdan, la nouvelle de Pouchkine trouve ici une traduction cinématographique des plus envoûtantes.

L’argument : A la cour de Louis XVI à la veille de la Révolution, la comtesse russe Anna Fedotovna joueuse invétérée, est bientôt proche de la ruine. Un mystérieux comte de Saint Germain lui vient en aide, et lui révèle une stratégie de jeu, une martingale, permettant de gagner à coup sûr, mais qu’elle ne doît employer qu’une seule fois, et surtout ne révéler à personne.
La comtesse joue et gagne, et se conforme à l’obligation de ne plus jouer. mais l’obligation de ne pas révéler le secret du jeu sera plus difficile à tenir. Et pourtant elle coûte la vie à ceux qui l’utilisent.
Herman, un jeune officier, informé par la rumeur de ce secret, séduit Lisa, sa demoiselle de compagnie, pour s’introduire chez la comtesse, et tenter de lui arracher son secret ...

Notre avis : Lire la critique.

Le DVD

Dita Parlo (la comtesse) et Jean Négroni (le comte de Saint-Germain) dans La dame de pique (1965)

Une belle édition DVD, riche en compléments, permet de redécouvrir cette oeuvre rare et précieuse.

Les suppléments

La présentation est des plus soignées : l’élégant boitier-dépliant cartonné reproduit de fort belles photos commentées par des extraits du dialogue ainsi qu’un article d’époque de Jean de Baroncelli et contient trois cartes postales (dont celle de l’affiche du film par Mascii). Le programme de compléments est riche et de tout premier intérêt. Jugez plutôt :

– La bande annonce d’époque, en très bon état, est presque une version alternative, condensée, et contient des prises différentes de celles utilisées dans le film (changement de perspective dans la scène où la Doucet veut faire chanter Hermann).

Dita Parlo ( la comtesse) et Frank Hübler (Serge) dans La dame de pique (1965)

Simone Bach (Lisa) dans La dame de pique (1965)

– Un bref extrait de l’émission de Pierre Dumayet Lecture pour tous du 21 août 1963, venu des archives de l’INA, au cours duquel Julien Green évoque les phobies de ses personnages et les escaliers présents dans toutes ses oeuvres et où se passent toujours des choses désagréables, concluant malicieusement : J’ai beaucoup d’escaliers sur la conscience.

– La femme fatale : dans un passionnant entretien audio de vingt minutes, abondamment illustré de photos et d’extraits du film, Eric Green (Jourdan) raconte, avec force détails et anecdotes éclairants, la genèse de l’entreprise depuis l’écriture, à deux, d’un scénario aux indications visuelles très précises jusqu’au tournage au château d’Haroué. L’entretien fait apparaître Jourdan/Green comme le véritable moteur de toute l’entreprise. Le metteur en scène, évoqué une seule fois (mais pas nommément), est néanmoins félicité pour son respect scrupuleux du scénario (à l’exception de la scène finale, rajoutée, avec les fantômes des joueurs s’évanouissant lorsqu’apparaissent la femme de ménage avec son aspirateur puis le croupier).

– Le château d’Haroué revisité : Une visite guidée du château qui, magie du cinéma aidant, a permis de ressusciter, à proximité de Nancy, l’atmosphère de la Saint-Pétersbourg de Pouchkine.

– La marche du petit soldat : Un entretien avec Michel Subor qui a gardé quelques souvenirs de La dame de pique mais évoque surtout son travail avec Godard (Le petit soldat), Truffaut (la voix off de Jules et Jim), Claire Denis (Beau travail ; L’intrus), Hitchcock (L’étau) ou encore Vadim (La bride sur le cou.

Michel Subor (Herman) dans La dame de pique (1965)

Dita Parlo (la comtesse) dans La dame de pique (1965)

– L’air de la comtesse dans l’opéra de Tchaïkovski, citation de Richard Coeur de Lion de Grétry, dans l’interprétation de Nina Ivanovna Panina, enregistrée à Saint-Pétersbourg en 1906.

– Enfin, signalons que sont proposés, en option, des sous-titres anglais ainsi que des sous-titres français pour malentendants.

Image


Si les valeurs (lumière, contrastes) de la superbe photo en noir et blanc d’Alain Levent sont parfaitement respectées et si la copie utilisée ne présente pas de défauts notables on sera un peu plus réservé sur le report numérique. La définition, pas toujours optimale, et les blancs parfois aveuglants demandent, au début, un petit effort d’adaptation de la part du spectateur qui, passé ce cap, sera néanmoins en mesure d’apprécier les remarquables qualités visuelles du film.

Son


L’enregistrement du quintette de Schubert, utilisé de manière récurrente, obsessionnelle, sature dans les aigus et ses stridences contribuent grandement à installer l’atmosphère doucement angoissante qui imprègne le film. Les dialogues sont parfois volontairement étouffés, presque inaudibles, comme aspirés par les vastes espaces de palais où les personnages, fantômes fragiles, sont menacés à tout moment d’évanouissement. Le report en DVD respecte scrupuleusement ces partis-pris si déterminants dans l’envoûtement que suscite cette Dame de pique