Avoir 10 ans dans les Aurès
Le 2 mai 2010
Coup de coeur pour ce documentaire passionnant et virtuose, qui conjugue propos social et écoute humaine, au coeur de la région qui a vu naître la guerre d’indépendance en Algérie.
- Réalisateur : Malek Bensmail
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 28 avril 2010
- Plus d'informations : Le site officiel du film
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– Durée : 2h10min
Coup de cœur pour ce documentaire passionnant et virtuose, qui conjugue propos social et écoute humaine, au cœur de la région qui a vu naître la guerre d’indépendance en Algérie. Et s’il faut aller jusqu’en Chine, pour le coup, on veut bien être du voyage...
L’argument : Le 1er novembre 1954, près de Ghassira, un petit village perdu dans les Aurès, un couple d’instituteurs français et un Caïd algérien sont les premières victimes civiles d’une guerre de sept ans qui mènera à l’indépendance de l’Algérie.
Plus de cinquante ans après, Malek Bensmaïl revient dans ce village chaoui, devenu "le berceau de la révolution algérienne", pour y filmer au fil des saisons ses habitants, entre présent et mémoire, mais aussi son école et ses enfants...
Notre avis : L’origine du titre énigmatique de ce documentaire tient sur le fil d’une parole de sagesse religieuse, qui aurait été prononcée par le Prophète : ce qu’il faudra peut-être rechercher jusqu’en Chine, c’est le savoir, trésor d’une quête et d’une discipline personnelles. Le retournement ironique de l’injonction morale donne le ton ; là où le discours pédagogique se veut résolument optimiste et volontariste, la caméra documentaire de Malek Bensmail fait résonner la carcasse de la réalité, sans craindre de produire quelques accords discordants. A travers le film, l’école du village fait converger tous les espoirs entre ses murs, dans un pays où le taux de chômage peut atteindre des pics affolants ; néanmoins, elle semble aussi porter les germes des contradictions de la société algérienne : écartelés entre arabe classique, dialecte et français, hantés par un modèle occidental dont il leur faut pourtant rejeter l’héritage ambivalent, les élèves ont parfois l’air désorientés devant un système de savoir dont on leur vante les mérites, mais qui se trouve à mille lieues de leur quotidien. Ici, malgré le travail essentiel d’alphabétisation et d’ouverture culturelle que représente l’école, la structure éducative dicte plus qu’elle n’enseigne, et privilégie la forme du sermon sur celle du dialogue.
La Chine est encore loin est, à sa manière, un film choral : plusieurs langues s’y entrechoquent, provoquant du même coup la rencontre de valeurs contradictoires et de voix différentes. Le témoignage le plus émouvant vient peut-être de la seule parole féminine de tout le film, d’une intelligence poignante. La nostalgie des premières heures glorieuses de l’indépendance et l’inquiétude de voir disparaître les traditions, jusque dans le quotidien le plus banal (lieux et artisanat compris) ne cèdent jamais aux atermoiements, et à la grande surprise du spectateur, ce sont souvent les anciens qui se révèlent les plus facétieux. A l’école de l’auteur discret (ni voix-off, ni commentaire écrit), Malek Bensmail n’en tient pas moins un discours critique efficace, qui fait surtout preuve d’un sens virtuose du rythme et du dosage, et maintient tout le long la même exigence esthétique. Une ligne directrice : filmer les paysages aussi bien que les hommes avec le même respect, laisser l’image respirer quand cela est nécessaire. Par là même, le documentaire trouve rapidement son équilibre et réussit le pari pourtant périlleux de maintenir le cap plus de deux heures durant. A la fin de leur année scolaire, les petits Algériens en sortent-ils grandis ? L’histoire ne nous le dit pas vraiment, mais au regard du tableau symbolique des enfants jouant sur la plage à côté d’un énorme pétrolier échoué, une chose est certaine : ce sera à eux d’assumer les forces et les faiblesses de leurs aînés, et de prendre à leur tour la relève.
- © Tadrart Films
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